Highgate - Luisa
Bande Dessinée / Critique - écrit par athanagor, le 09/11/2009 (Tags : betbeder tome stephane highgate soleil luisa crosa
Inspirée des évènements étranges qui animèrent le district de Camden dans les années 70, cette BD tente de prolonger un suspense qui n'existe pas vraiment.
Malgré un parti pris de départ assez audacieux, voilà une BD qui ne laissera pas un souvenir impérissable. S'essayant à l'exercice déjà vu et très compliqué de coller une histoire romancée pour présenter des faits réels, Highgate se résout en un mélange du réel et de l'imaginaire plutôt fade et dont on cherche l'intérêt tout au long de la lecture. Pourtant les faits à la base de l'histoire sont intrigants, voire captivants pour qui aime à coller un tant soit peu son nez dans l'occulte des autres. Tout tourne autour du cimetière de Highgate, véritable nécropole à la périphérie de Londres, et du fait que cet endroit est la demeure supposée d'un vampire. Nombre de manifestations suspectes survenues dans les années 70 tendent à appuyer ce fait, et c'est là-dessus que surfe cette BD. S'appuyant sur une enquête de police, l'ouvrage nous fait découvrir, au rythme de son héros, la légende qui entoure ce lieu mystérieux et funeste. Epiçant certes un peu la réalité, les auteurs, et c'est tout à leur honneur, se gardent bien de nous faire la retape en placardant toutes les deux pages des astérisques, renvoyant à des « authentique », ou en guise d'avertissement sur la page de garde un « Les évènements racontés dans cet ouvrage... »
. C'est donc avec une certaine surprise que le lecteur découvre après sa lecture, une bonne partie de concordance avec la réalité, qu'on soupçonnait déjà en suivant l'aventure.
Mais deux problèmes surviennent et finissent par entacher cet ouvrage. Premièrement, et c'est la base du truc, tout ce qui englobe cette affaire n'est pas une histoire en soi, mais bien plutôt un background utilisable pour y développer autre chose. Il ne s'agit après tout que de témoignages épars, constituant un faisceau de suspicions plus ou moins orienté. En fait, il n'y aurait pas de problème à utiliser tout ça comme fond, mais quand on veut aller au delà de ça, et qu'on tient vraiment à se concentrer sur les évènements, il n'y a pas trente-six solutions : il faut leur imaginer une suite. Premier problème donc. Car, à moins d'être un cador de la discipline, toutes les solutions qu'on trouvera ne seront jamais que de pâles imitations tristounettes, n'arrivant jamais à l'intensité qu'atteint un fait divers parcellaire et invérifiable, raconté par un vieux, parce que les vieux c'est mystérieux. Le deuxième problème découle naturellement du premier : les faits inventés n'étant pas très palpitants et se mêlant avec les éléments réels, le tout finit par donner un mélange fadasse, où même ce qui était intrigant dans le réel se confond avec l'imaginaire médiocre dans un mouvement apathique généralisé. Aplanissant toutes les zones mystérieuses au niveau d'un scénario moyen, on finit par s'interroger sur la partialité des acteurs, et dans le cas présent, on n'est qu'à moitié surpris de découvrir que tous les protagonistes de l'affaire (la vraie) étaient tous membre d'une église machin ou d'une société bidule secrète. Ainsi et bizarrement, les auteurs, allant pourtant dans le sens de la mythologie, semblent être à même de convaincre des sympathisants de l'occultisme que tout ceci n'est qu'un ramassis de témoignage sous ecstasy et que, oui les gars, vous avez gâché vos plus
belles années à lire des livres à la cons, qui ne contiennent définitivement pas les clefs d'un monde sombre et parallèle.
Donc, en romançant l'histoire de ce cimetière et en y adjoignant une histoire assez creuse, les auteurs finissent par proposer quelque chose dont l'intérêt ne dépassera pas celui qu'on pourrait porté au dessin. Dynamique et impliqué, suivant une structure narrative claire, celui-ci ne parvient pourtant à suppléer que très faiblement la vacuité du propos. Au final, il reste une œuvre de divertissement claire mais molle, sans réelle avancée ni engagement sur la question du vampirisme. Non pas qu'on exige des auteurs d'y croire, mais au moins d'offrir quelque chose d'originale. Ici, l'histoire est tellement fade qu'elle pompe tout le sel qu'on aurait pu trouver dans le vrai, et n'était le tour de force d'arriver à défroquer des prêtres en leur lisant la bible, il n'y aurait vraiment rien pour y planter les dents.