9/10Henri Désiré Landru

/ Critique - écrit par iscarioth, le 19/09/2006
Notre verdict : 9/10 - Deuxième perle successive (Fiche technique)

Tags : landru france femmes proces paris gambais henri

Henri Désiré Landru est une nouvelle pierre portée à l'édifice décidemment magnifique de Chabouté. L'auteur enchaîne les excellents albums, et le régime ne baisse pas du tout avec ce dernier.

Au moment de la sortie du troisième tome du Purgatoire, concluant un premier cycle, Chabouté avait annoncé travailler sur un projet de bande dessinée sur le personnage de Landru. Après avoir réalisé plusieurs one-shot entre 1998 et 2002 (de Quelques jours d'été à La bête, en passant par Zoé ou Pleine lune), Chabouté s'est imposé dans le paysage de la bande dessinée franco-belge. Certains persistaient à dire que ses albums ne consistaient qu'à des ersatz d'histoires à la Didier Comès. En réalisant le Purgatoire entre 2003 et 2005, Chabouté a littéralement explosé, confirmant un univers singulier, un style et une narration de très haute volée. On attendait l'artiste au tournant, pour une seconde confirmation...

Le Barbe bleue hexagonal

Chabouté s'est beaucoup documenté sur son sujet. On l'a lu sur certains forums relever les erreurs disséminés sur certains sites consacrés à Landru. Henri Désiré Landru, un personnage parmi les plus discutés, le plus cité des serial killers de l'histoire de France. Un véritable mythe, dont le cinéma s'est emparé : il y a eu le Landru de Claude Chabrol, mais aussi celui de Chaplin (Monsieur Verdoux). Dernièrement, pour la télévision, on a même eu droit à une surprenante reprise du mythe avec Patrick Timsit dans le rôle titre (Désiré Landru par Pierre Boutron en 2005). L'album de Chabouté s'ouvre par un procès qui ne surprend aucun des lecteurs déjà renseigné sur Landru. La scène introductive rapporte le réquisitoire d'un avocat contre Landru qui écoute assis, silencieux et terrifiant, les accusations portées contre sa personne. On nous rapporte tout ce que l'on sait déjà : les petites annonces, les femmes découpées puis brûlées, le carnet de notes... Bref, la surprise n'est pas au rendez vous... jusqu'à la quinzième planche seulement ! 

Landru, une victime


Tout d'abord, ce n'est pas seulement Landru le sujet de ce livre, mais aussi la France d'alors, malmenée par une première guerre mondiale meurtrière. Ainsi, Chabouté, la phase introductive passée, va puiser aux sources du malaise ; dans les tranchées. Des tranchées dont il tire toute l'horreur, comme seul l'a déjà fait avec autant de brio Jacques Tardi (C'était la guerre des tranchées). Arrive ensuite en scène Landru, don juan escroc que l'on connaît, entouré par de bien mystérieux personnages, dont l'identité ne sera révélée que par la suite. Chabouté prend un parti très troublant et peu prévisible, peut être bien inédit : il fait de Landru une victime, un brave homme sensible, au fond très peu enclin au vice. Une victime manipulée par des commanditaires bien moins scrupuleux, puis par des autorités françaises soucieuses de manoeuvrer pour faire oublier l'hécatombe de la guerre.

Nouveau maître du noir et blanc

Définitivement, Chabouté est à inscrire sur la liste des grands maîtres du noir et blanc actuels, à la suite des très prestigieux Tardi et Comès. L'auteur possède bel et bien un style propre, chargé en émotions, en sensibilité. Henri Désiré Landru démontre plus que jamais le talent de l'auteur pour générer des atmosphères. Sur cent trente sept planches, passages muets et dialogués s'enchaînent dans un noir et blanc glacial et sur des plans parfaitement agencés. Les planches de Chabouté percutent le lecteur par des enchaînements violents d'aplats noirs et blancs. Un malaise approfondi par des formes (visages, silhouettes) travaillées par petites touches creusées, générant une certaine impression de saleté.


Henri Désiré Landru est une nouvelle pierre portée à l'édifice décidemment magnifique de Chabouté. L'auteur enchaîne les excellents albums, et le régime ne baisse pas du tout avec ce dernier.