6/10Heavy Liquid

/ Critique - écrit par riffhifi, le 06/11/2007
Notre verdict : 6/10 - Liquide hurlant (Fiche technique)

Tags : liquid heavy nrcan pope adj livres paul

A force d'hésiter entre le policier et la science-fiction, l'action et la réflexion, Heavy Liquid finit par se résumer à une vague histoire de course-poursuite qui commence trop tard à traiter son sujet.

Paul Pope, malgré son nom, n'est pas le pape du comics. Son nom revient pourtant souvent sur les lèvres des lecteurs de BD ricaines, et la France voit paraître simultanément son Batman year 100 trash et ce Heavy Liquid intrigant.

Dans un futur pas très éloigné, une substance fait son apparition dans certains marchés clandestins : baptisée heavy liquid mais affectueusement surnommé le stuff, la chose peut s'utiliser de différentes façons. Notre héros, un homme appelé S, le fait chauffer et se le coule dans l'oreille, ce qui lui procure un sentiment d'invulnérabilité et un certain nombre d'hallucinations. Mais ce n'est pas une drogue, non non. Et après tout, qui se soucie de savoir d'où ça vient ?..

Paul Pope a un talent certain pour rendre l'atmosphère futuriste décadente qui sert de cadre au récit. Le héros, au physique calqué sur celui de Mick Jagger jeune, balade sa solitude désabusée de ruelles sordides en appartements
glauques, dans une perpétuelle fuite en avant que lui impose la perte de ses amis et l'omniprésence d'une bande de malfrats déguisés en clown qui en veulent à son stuff. Malgré l'urgence du récit, l'intensité et la noirceur du trait alimenté de deux teintes seulement (rouge et bleu, déclinés chacun de la pâleur morbide à l'intensité éprouvante), la qualité de la mise en page envahissante souvent collée aux bords du papier, Heavy Liquid peine à afficher une direction précise. Sans être pour autant une collection de trips hallucinogènes (là n'est pas le sujet), l'album délaye sur plus de 250 pages un récit qui en aurait sans doute mérité moins, d'autant qu'il se termine en queue de poisson, au moment même où l'intrigue émerge véritablement. Le texte n'est pas aidé par une version française qui laisse un peu à désirer, traduisant certains termes informatiques qui auraient gagné à rester en anglais (un "fil" au lieu d'un "thread") et conservant maladroitement certains anglicismes dans les tournures de phrase ("it's cool" traduit par "c'est cool" dans un contexte où il signifiait clairement "il n'y a pas de problème").

La longueur de l'ensemble s'explique en partie par son origine feuilletonesque, puisque la parution initiale s'est faite en plusieurs épisodes. Ils sont ici rythmés par la présence d'illustrations en pleine page, les premières représentant des pages de catalogue "du futur" décrivant la nature et les prix des fringues les plus branchées du marché. Un bonus amusant qui installe le récit dans un univers cohérent, parfois à la limite du cyberpunk.

Mais au final, à force d'hésiter entre le policier et la science-fiction, l'action et la réflexion, Heavy Liquid finit par se résumer à une vague histoire de course-poursuite qui commence trop tard à traiter son sujet. Un rendez-vous manqué, que l'on conseillera pour ses vertus graphiques.