8.5/10La Guerre du professeur Bertenev

/ Critique - écrit , le 28/11/2006
Notre verdict : 8.5/10 - Bien sympathique (Fiche technique)

Il serait dommage de passer à côté de la Guerre du professeur Bertenev qui demeure une oeuvre sincère, sans préjugés.

Derrière le drapeau se cachent des hommes. Des centaines, des milliers, tombant sur le champs de bataille pour défendre les couleurs d'une nation. Mais jusqu'où peut aller ce dévouement envers notre patrie ? Les codes d'honneurs imposés par la guerre peuvent-ils rendre fou ? Alfonso Zapatico nous conte une histoire simple sur les relations humaines, avec la Guerre de Crimé en guise de toile de fond.

1855, Crimé, l'Angleterre et la France se sont *enfin* alliées pour combattre l'ennemi Russe occupant l'Empire Ottoman. Dans cette sanglante confrontation où les individus sont forcés de combattre au risque de rejoindre plus tôt les cadavres gisant au sol, les troupes du prince Menschikoff peinent à résister aux attaques alliés. Le professeur Bertenev, soldat enrôlé de force dans l'armée russe, doit combattre auprès de ses camarades apeurés. Dirigé par l'insensible capitaine Alexis Golitnichef, Bertenev voit les siens mourir les uns après les autres. Mort lente suite à d'importantes blessures, projectiles dans la tête, décapitation, l'ancien professeur de lycée décide de déserter durant la bataille. Mais son capitaine le surprend en flagrant délit et jure de l'exécuter pour l'exemple. Seul en pleine forêt, Bertenev rencontre l'officier britannique John Townsend. Malgré les différents qui opposent leurs nations, les deux hommes vont apprendre à mieux se connaître, et devenir des amis tout en devant respecter leurs titres militaires. Bertenev jouera volontiers les prisonniers traducteurs tandis que Townsend le gardera sous sa protection tout en lui demandant régulièrement des conseils de coeur.

A travers les dérives ensanglantées, Zapatico nous présente une intrigue intimiste. Il joue assez justement sur la corde sensible des valeurs universelles. L'auteur nous montre l'impact que peut atteindre un conflit sur la personnalité d'un homme. Certains, tel le professeur Bertenev, constateront paradoxalement l'absurdité de la guerre tout en sachant que leur survie dépend de sa longévité. D'autres comme le capitaine John Townsend, ne peuvent s'imaginer loin des champs de bataille sans l'impression de trahir sa mère patrie, et cela, au dépend de ses sentiments personnels. Enfin, à l'image du capitaine Golitnichef, être aveuglé par la vengeance du déshonneur militaire. Bertenev symbolise la situation ambiguë dans laquelle nous plonge une guerre: elle demeure un lieu privilégié pour les rencontres improbables dont les liens n'en ressortent que davantage fortifiés.
D'une main fragile et légère, Zapatico illustre son intrigue simplement, à l'image de son récit. Le style peut rappeler à certains égard du Sfar lorsqu'il épure au maximum son trait (
La vallée des merveilles). Le choix des coloris se veut sobre la plupart du temps. La totalité de son travail s'équilibre, perdure, sans qu‘un élément particulier viennent entâcher le scénario.


Il serait dommage de passer à côté de la Guerre du professeur Bertenev qui demeure une oeuvre sincère, sans préjugés. 78 pages de modestie qui méritent d'être savourées.