8/10Godspeed, une vie de Kurt Cobain

/ Critique - écrit par Lestat, le 08/08/2004
Notre verdict : 8/10 - The man who sold the world (Fiche technique)

Tags : kurt cobain rock nirvana vie livres groupe

2004. En cette année qui en elle-même n'a rien de particulier se célèbre un anniversaire macabre, celui où l'un des plus célèbres suicidés de la Terre terminait d'entrer dans la légende, inscrivant au fusil le point final d'un groupe devenu mythique. Le 05 avril 1994, Kurt Cobain, leader de Nirvana et inventeur du grunge se donnait la mort, laissant entre autres choses des fans, Courtney Love, une fille et un paysage musical profondément changé. Depuis, les hommages n'ont pas manqué : des films, des best of, des reportages télé, des bouquins comme Le Journal de Kurt Cobain ont fleuri ici et là. Dernier support en date à déchirer son jean : la bande-dessinée. Ce sera GodSpeed, une vie de Kurt Cobain. Réel document pour mémoire ou sempiternel coup commercial, la BD sortant à peu prêt au moment de la commémoration des dix ans ? Qu'importe finalement, tant que c'est bien dessiné...

D'emblée, le titre interroge : il mentionne "Une vie" et non "La vie de Kurt Cobain". Autant de raisons pour se montrer prudent sur le contenu de l'ouvrage. L'album commence lorsque tout se termine, par le suicide. Il s'achève lorsque tout commence : par le suicide. On y croisera en vrac la naissance de Nirvana, la monstruosité des concerts de l'époque, Krist Nivocelic, Dave Grohl, Courtney Love. On y verra avec amusement les Nirvana foutre le bordel et se faire vider de leurs propre réception. On y apprendra, interloqué, la naissance de certaines chansons mythiques (Smells like teen spirit n'aurait pour origine qu'un... simple déodorant). On y constatera aussi, une boule au ventre, un Kurt Cobain défoncé à mort dans un placard, incapable de décrocher de la dope, une icône du rock avachie à même le sol, non loin d'une seringue.

Sex, drug, déconne et Rock and Roll pour un BD dure parfois dans son propos, qui prend le parti pris audacieux de tout expliquer. La drogue, le gamin hyperactif qu'était Kurt la connaît depuis la petite enfance. Le suicide est une idée fixe qu'il traine depuis l'adolescence. Godspeed fait de Kurt Cobain une sorte de Rimbaud des temps modernes, un écorché vif accro à la drogue, heureux quand il plaît, dépressif quand il déçoit. Le suicide apparaît comme la conséquence de tout cela. Le mariage avec Courtney bat de l'aile, son entourage ne le soutient plus, lui dit d'arrêter de déconner... Un peu facile de rejeter la faute sur des tierces personnes, mais à présent, qui peut savoir ? Un peu de neutralité à ce propos aurait pourtant été de meilleur goût. Reste que Godspeed a l'avantage de ne pas se complaire dans la théorie d'un hypothétique assassinat, qui pour une minorité reste tout à fait plausible.

Une bande-dessinée touchante dans sa conception, intéressante et ambitieuse dans son propos, malgré quelques théories qui demanderaient vérification. Pour terminer, il faut avouer que Godspeed possède un dessin étrange, assez géométrique, disproportionné parfois, dont les cases empruntent aux codes des comics. Ici comme toujours, c'est une affaire de goût. Personnellement j'aime bien, d'autres trouveront - et trouvent ! - ça laid au possible, à chacun de trouver midi à sa porte.

Gentiment trash, historiquement précieuse si véridique, Godpseed reste néanmoins assez dure, lors des passages liés à la drogue notamment. Un document d'obsénité et de fureur, à la lisibilité excellente, qui bien qu'on ait vu pire, reste réservée à un public averti.