Genuine city - Tome 1 - Polak
Bande Dessinée / Critique - écrit par athanagor, le 01/03/2010 (Tags : tome jeux city genuine avis polak livres
Surprenante BD, intrigante déjà par sa couverture et captivante par son traitement inattendu, qui mêle avec talent des références qu'on croyait avoir trop vu.
Genuine city est une ville merveilleuse où règne le dieu-lion Léonidas, tant aimé par ses sujets. Alors quand il décide de s'offrir un nouveau garde du corps, en le faisant émergé des limbes, en présence de toute la population, tout le monde est heureux d'accueillir ce nouveau venu, entièrement attaché à la personne de leur dieu. Et oui, c'est comme ça à Genuine city, un cadeau pour Léonidas, c'est un cadeau pour tous.
Ce nouveau venu, Léonidas le baptise Polak et il faut reconnaître que ses compétences martiales sont impressionnantes. Par contre, pour
ce qui est de l'esprit, avouons que Polak est un crétin, qui ne vit, agit et respire que dans l'espoir de satisfaire son suzerain, comme un enfant ses parents. Pourtant et malgré cette couche d'indigence intellectuelle handicapante, Polak se pose des questions sur sa nouvelle ville et sa jeune vie. Pourquoi ne peut-il s'empêcher de s'endormir à heure fixe, comme tous les autres citoyens ? Pourquoi Léonidas le regarde-t-il parfois avec crainte ? Et surtout, comment se fait-il que les rebelles, qui n'ont de cesse d'ourdir des attentats contre Léonidas, semblent le connaître ?
Baigné dans une masse de références aisément identifiables et souvent disparates, telles Métal Hurlant (par certains côtés esthétiques), Dark city et, la plus importante de toute, Matrix, ce péplum comico-fantastique nous plonge dans une histoire extrêmement bien sentie et merveilleusement montée. Les 48 pages de l'album sont mises à profit avec un humour fin et une science narrative rare, permettant de développer, de la manière la plus complète possible, les débuts de cette série. Rien ne manque au développement et pourtant rien n'est économisé. De la naissance du personnage principal à ses questionnements puis son éveil, tout se tient et rien n'est fait par le jeu de ces ellipses trop courantes, qui permettent des conclusions nécessaires mais étrangères au lecteur qui n'en a pas vu la logique. Evitant complètement ces sauts dans le temps qui mangent des parties essentielles du récit, les auteurs finissent par nous convaincre qu'il y a plus de pages, et même qu'elles sont plus grandes, tant on est absorbé dans ce monde et accaparé par la présence des personnages.
Mêlant action et humour dans un milieu pensé pour son intérêt esthétique, mais aussi pour son aspect culturellement identifiable, permettant une installation intuitive de l'intrigue, les deux auteurs (si, si, Mathilde Danton aussi par ses riches couleurs) nous régalent d'une histoire originale et drôle, portée par deux acteurs principaux, aussi intéressants qu'ils sont différents.
Pourtant, et malgré toutes ces éloges, soyons prévenus que l'appréciation sera soumise à l'état d'esprit dans lequel on lit l'ouvrage : il semblerait que l'ignorance du fait que les auteurs se soient largement inspirés des références sus-citées, empêche d'apprécier pleinement la lecture et interdise de vouloir y retourner. Apparemment, bien porté par une très bonne BD, le lecteur vierge de tout soupçon, voit dans l'avant-dernier dénouement (qui ne surprend nullement quand on a les références en tête) une source de déception. En effet, faisant grimper ses espoirs jusqu'au point de non-retour, le spécimen se trouve tout penaud de se voir servir un truc qu'il a déjà vu. Alors que quand on est averti, ce point n'est plus qu'un élément supplémentaire dans le flot des objets familiers qui peuplent la BD et dont l'assimilation naturelle par les auteurs, pour servir une nouvelle soupe, enchante et ravit un lecteur qui constate que c'est possible de faire du neuf avec du vieux.
Il s'agit donc d'une excellente BD, sur un thème peu original mais selon un traitement tout neuf, qui donne réellement envie de voir, savoir et comprendre où cela ira, et comment.