6.5/10Frontière - Tome 2 - Le temps perdu

/ Critique - écrit , le 01/11/2006
Notre verdict : 6.5/10 - Beh non... (Fiche technique)

Tags : tome bertrand frontiere rodolphe marchal lombard dargaud

Frontière est une bande dessinée qui ne laissera pas un souvenir impérissable, mais dont nous lirons la suite à l'occasion, si nous avons l'ouvrage sous les yeux.

Peut-on cerner l'inconscience afin de mieux la manipuler ? "Manipuler"/"Inconscience". Voilà deux mots qui entrent inévitablement en contradiction lorsqu'on les additionne ensemble dans une même phrase. C'est pourtant l'idée originale que souhaite nous faire partager Rodolphe dans Frontière. Le scénariste n'en est pas à son premier coup d'essai dans le bande dessinée. Ancien professeur de lettres, il a fait de nombreuses collaborations en touchant différents genres. Mais celui dans lequel notre homme se sent le plus à l'aise demeure sans doute le polar. En 1994, Cliff Burton reçoit le prix de la Meilleure Série pour l'album Schizo au festival international de la Bande Dessinée à Charleroi. Pourtant, même si Frontière présente des perspectives intéressantes, de nombreux défauts viennent gâcher son concept, et la ramène ainsi dans la catégorie des ouvrages banals faisant difficilement varier les courbes de notre encéphalogramme.


Yves Fréhel est un scientifique dévouant ses recherches pour un important laboratoire américain. Un soir de septembre, notre héros fait une découverte majeure. L'importance de la trouvaille paraît si considérable qu'il refuse d'en révéler la nature à ses collègues. Quelle peut donc être cette révélation de choc que Fréhel se borne à garder pour lui, et cela même si on lui promet une brillante carrière avec 200 000 euros en guise de cerise sur le gâteau (l'éternel chèque jouant les prétextes faciles pour accentuer la gravité de l'intrigue, que c'est mignon... ) ? Qu'importe, les camarades vachards de notre héros mal entouré vont le faire parler, que ce soit en douceur, en ayant recour à la manière forte, ou en s'amusant à jongler avec les deux. Monsieur Wayne, son patron attentionné, lui envoie deux malfrats pour s'assurer de son bien-être. Après une petite course poursuite où Yves tente de semer ses ravisseurs, ces derniers lui tirent une balle. Notre ami s'écroule et se réveille... 25 ans plus tôt . Fréhel est immergé malgré lui dans sa mémoire et ressasse l'époque tumultueuse de sa pré-puberté, ponctuée de rencontres ayant marquées à jamais cette époque détestée de tous. Mais ses songes reflètent-ils réellement la réalité des faits ?


Certains d'entre vous auront sans doute deviné la fin de cet épisode avant même que je n'ajoute un magnifique point final à cette chronique. Chose qui peut donc traduire en premier lieu la lacune du scénario. Malgré un concept qui se tient, Rodolphe tente de conforter sa position entre deux chaises. Tout d'abord, le thème peu évoqué dans le cadre de la science (manipuler l'inconscience pour en ressortir ce que l'on souhaite), mais où en contrepartie, l'intrigue reprend les codes classiques de la narration. Oui, on a sa petite scène d'action, le méchant dirigeant avide de pouvoir, la petite amie paumée dominée par un abruti musclé, "l'ami mystérieux". Ensuite, nous remarquons pourtant une justesse dans les dialogues : ni trop porté sur des descritptifs scientifiques pompeux qui feraient trembler Einstein lui même ; ni trop vide au point que les personnages paraissent niais.

Ce contraste final aurait pu être maquillé avantageusement si le dessin avait suivit une feuille de route plus affirmée... Mais non. Le trait réaliste de Marchal se borne à rester froid et insensible. Rien ne vient instaurer une certaine valeur ajoutée à ce type de style. Le dessinateur ne fait qu'illustrer l'écrit sans y ajouter une touche personnelle bien regrettable. Il en va de même avec la couleur de Scarlett. Bien qu'elle ait été soigneusement réalisée sur ordinateur, on regrette un manque de personnalité. La coloriste aurait pu instaurer des ambiances oniriques, en rapport avec le souvenir et le thème évoqué en général, propices à ce genre d'occasion pourtant. Mais là encore, non.


Au final, Frontière est une bande dessinée qui ne laissera pas un souvenir impérissable, mais dont nous lirons la suite à l'occasion, si nous avons l'ouvrage sous les yeux. Dommage.