La Forêt - Tome 1
Bande Dessinée / Critique - écrit par iscarioth, le 16/05/2007 (La Forêt est un très bon album, une bonne comédie reprenant les codes du conte, pimentés de quelques extravagances venues d'ailleurs. Un album aussi appréciable par son scénario que par sa réalisation graphique.
On voit de plus en plus souvent le nom de Vincent Perez et de moins en moins souvent au cinéma. L'acteur, en ce mois de mai 2007, est le nouveau héros d'une série policière sur TF1 alors que paraît en librairie, simultanément, son tout premier projet en tant que scénariste BD. La vedette fait équipe avec l'un des dessinateurs ténors de la BD d'héroïc fantasy, j'ai nommé Tiburce Oger, le co-auteur de Gorn. Il y a de quoi se méfier. Depuis le désastre de L'affaire du siècle de Beinex, navet ultime de la « bédé », les gens du cinéma se sont succédés au comptoir du neuvième art avec, presque toujours, des gamelles à l'arrivée...
Nous ne ferons pas de généralité et avons tenté d'aborder cet album comme n'importe quel autre, sans préjugés. La fôret est un one-shot qui nous immerge dès la première planche dans l'univers du conte. « Il était une fois... » peut-on lire dès l'introduction... Le ton est donné. Les premiers instants de lecture sont très balisés : un langage moyenâgeux, une princesse que l'on amène à marier à un roi, sous vive escorte. On retrouve les habitudes du conte revisité par Walt Disney, avec un personnage principal qui s'annonce d'emblée comme le sympathique bouffon, un moinillon aussi sautillant que crétin. Mais très vite, on s'éloigne de notre impression initiale de dessin animé pour enfant, passés quelques gags corsés d'effets gores (décapitations joyeuses, chevalier coupé en deux). De petites audaces qui viennent relever la sauce, qu'on aurait cru plus « traditionnelle ».
L'action démarre très vite, mêlant les codes du conte (une princesse promise au mariage enlevée par des sorcières) à ceux de l'héroïc fantasy humoristique (l'équipe de personnages hauts en couleurs qui se forme pour la ramener chez les vivants). L'album a ce qu'il faut de déjanté pour plaire. Dans la bande d'aventuriers, on retrouve des figures emblématiques : le bouffon, moinillon qu'on a déjà évoqué plus haut, Merlin l'enchanteur, qu'on redécouvre ici en lover aguerri, un Phil Defer du moyen âge, grand dégingandé aux allures de Don Quichotte... Mais aussi la caricature du chevalier juvénile et romantique, qui tend la joue avant l'épée et la bonne vieille figure du forgeron, ventre à l'air et poings d'acier. Ces ingrédients conjugués à un sens du rythme irréprochable, à des dialogues bien sentis et parfois référentiels, ainsi qu'à un dessin dynamique, donnent naissance à ce qu'on peut appeler un très bon album du genre.
Vincent Perez semble avoir trouvé en Tiburce Oger le partenaire idéal. Le dessinateur nous démontre ici toute l'étendue de son talent. Sur 88 pages, les planches alternent entre frénésie humoristique et contemplation vertigineuse. Les planches sont très riches en couleurs, Oger joue beaucoup sur les plongées, donnant à ses personnages des allures majestueuses, élancées voire cambrées. Ses vues panoramiques et aériennes prennent toute leur ampleur lors des pleines-pages, plutôt nombreuses dans l'album. Oger brille aussi tout particulièrement dans les expressions faciales, développant au mieux le potentiel burlesque du scénario de Perez.
Pari remporté pour Perez et Oger. La Forêt est un très bon album, une bonne comédie reprenant les codes du conte, pimentés de quelques extravagances venues d'ailleurs. Un album aussi appréciable par son scénario que par sa réalisation graphique. A lire !