La Fille du professeur
Bande Dessinée / Critique - écrit , le 17/08/2006 (Une tasse de bande dessinée à consommer sans modération pour les adeptes désirant découvrir des oeuvres plus intimistes et jubilatoires.
Joann Sfar intrigue par son aisance quel que soit le rôle qu'il joue dans l'élaboration d'une bande dessinée. Pire, pour les français envieux de la réussite des autres, Joann Sfar pourrait être quelqu'un de profondément désagréable. En plus de mettre en scène lui-même certains de ses récits avec brio (Klezmer, Le chat du Rabbin, La vallée des merveilles ...), cet auteur dont l'adjectif "prolifique" est paru si familier, trouve le temps d'entreprendre des collaborations fructueuses. Preuve en est avec La fille du professeur qu'il a scénarisé pour Emmanuel Guibert.
A la fin du XIXème siècle, la fille d'un célèbre archéologue anglais résidant à Londres, Liliane Bowell, décide un jour d'aller se balader avec la dernière pièce unique découverte par son père : la momie Imhotep IV. Ancien grand prince d'Égypte névrosé, Imhotep n'en oublie pas moins les préceptes britanniques et se conduit en parfait gentleman à l'égard de la jeune femme. Au fur et à mesure de leur promenade, les deux êtres apprennent à mieux se connaître et se découvrent des points communs malgré les 3000 ans qui les séparent. Mais la réalité des faits compromet leur idylle. Liliane et Imhotep vont entrer malgré eux dans une spirale d'évènements rocambolesques. Ils devront alors affirmer la force de leur amour face aux tumultes intemporels.
On se plait à lire les aventures de ce couple hors normes sorti tout droit de l'imagination fertile du scénariste. Le doux mais dynamique crayonné de Guibert insuffle avec succès (grâce à leurs expressions faciales et à une gestuelle théâtrale) la vie sur ces personnages attachant par leurs maladresses et débordant d'humanité. L'encrage raffiné s'épanouit pleinement avec la douceur des aquarelles. Le tout est dominé la plupart du temps par un blanc retranscrivant avec justesse l'atmosphère de ce récit mêlant onirisme et réalisme. Un travail graphique agréable à l'oeil desservant des dialogues bien pensés pour une narration surréaliste. Saupoudré d'un humour british à la fois délicat et incisif, cette histoire poétique et légère entraîne facilement un lecteur de tout âge dans ce délire romantique Sfarien.
Parue en 1997, La fille du professeur reçut des critiques élogieuses en plus d'être récompensée du prix René Goscinny et de l'Alph'Art coup de coeur au festival d'Angoulême. Une tasse de bande dessinée à consommer sans modération pour les adeptes désirant découvrir des oeuvres plus intimistes et jubilatoires.