7/10Extrême Orient - Tomes 1 et 2

/ Critique - écrit par iscarioth, le 12/06/2005
Notre verdict : 7/10 - Le grand livre rouge (Fiche technique)

Tags : ecole orient extreme tome francaise bulletin livre

Critique des 2 tomes : graphiquement impressionnant

L'histoire

Extrême Orient est un diptyque traitant de la Chine du vingtième siècle, à différents moments de l'embrasement communiste. C'est la grande histoire d'un grand pays, mais aussi celle d'un tout petit homme : Li Fuzhi, dont la vie supporte douloureusement et impuissamment le poids de l'histoire.

Puissamment découpé et stylisé

Extrême Orient est tout d'abord impressionnant graphiquement car très inhabituel. On ne trouve jamais, sur l'ensemble du diptyque, plus de trois lignes de cases, ce qui est surprenant pour des albums au grand format. Extrême Orient utilise l'espace nécessaire pour se déployer graphiquement. La construction des planches se fait dans la longueur. Les triptyques verticaux reviennent fréquemment. Souvent, il n'y a pas plus de cinq ou six cases par planche. Bourgeron utilise parfois aussi le gaufrier, avec intelligence et talent. Les pleines pages sont fréquentes et les dialogues ne sont ni lourds ni trop fréquents, ce qui renforce un certain réalisme (on évite les dialogues d'exposition) et permet une mise en place de plans contemplatifs. L'oeil du lecteur est très sollicité. Extrême Orient, c'est véritablement du neuvième art en ce sens que le dessin ne vient pas en complément du texte ou inversement. La mise en cadre, le découpage sont vraiment très pensés. Il y a aussi le dessin, très particulier. Non réaliste, griffonné, avec des hachures désordonnées, crasseux et froid... On a du mal à trouver des points de comparaison, le style de Bourgeron ne ressemblant véritablement à rien de connu. Les visages sont stylisés à l'extrême, complètement difformes. Les traits du visage asiatique sont caricaturés d'une manière impressionnante. Les personnages en deviennent terrorisants.

Difficile d'accès

Dans Extrême Orient s'entremêlent histoire individuelle et histoire nationale. Deux faces que l'on a du mal à saisir. L'histoire de la Chine est présentée au lecteur d'une façon non didactique, non introductive. On est loin des scénarios de Giroud. C'est une qualité, car on évite les lourdeurs et les artificialités mais c'est aussi un défaut car l'histoire de Chine est, pour la plupart d'entres nous, une vaste terre inexplorée. Même en connaissant quelques grands noms tels que Tchang Kaï-chek ou Mao Tsé-toung et même en étant au courant du passé communiste du pays le plus peuplé au monde, on ne comprend que superficiellement les événements liés à l'histoire de la Chine. Pour l'histoire individuelle, les choses ne sont pas forcément plus simples. Le lecteur doit être très attentif. Son sens de l'anticipation et de l'observation est sollicité. Les nombreux sauts dans le temps rendent les choses encore plus difficiles à suivre : le lecteur a un véritable puzzle à reconstituer. Extrême Orient est le genre d'oeuvre à relire plusieurs fois, pour une meilleure compréhension. Côté personnages, on en apprend finalement peu. On sait peu de choses sur Li Fuzhi, on n'a pas l'impression d'avoir suivi un portrait, observé un caractère. Les personnages sont surtout au coeur de la tourmente qui embrase leur pays.


Extrême Orient est auréolé d'une grande réussite critique. Remarquée par RTL (prix RTL du mois, pour Li Fuzhi), nominée à Angoulême, la première partie du diptyque a fait, dès sa sortie, sensation. He Sao, le deuxième opus, dans la continuité parfaite du premier album, a démontré que Extrême Orient était bien une histoire une et indivisible.