L'étrangleur de Boston
Bande Dessinée / Critique - écrit par athanagor, le 14/05/2009 (Elie Chouraqui se colle à la scénarisation BD, avec un tueur déjà sujet d'un classique du cinéma. Après lecture, on ne peut que constater qu'il n'apporte rien, ni au genre ni au personnage.
C‘est une légère déception que cet album, dont on était en droit d'attendre
eul tueurtant, car servi par un scénariste peu commun en l'espèce, Elie Chouraqui. La BD et le cinéma partageant bien souvent les mêmes codes, on pouvait espérer du cinéaste une expérience particulière, surtout concernant le thème de cette collection. Les tueurs en série permettent en effet de jolis moments quand l'introspection et la tentative de compréhension du mécanisme psychologique se mettent en place, que se soit le fait du narrateur, de l'inspecteur ou, occasionnellement, du journaliste chargé de l'enquête, si enquête il y a. On trouve aussi un intérêt tout particulier, justement dans le travail de ce personnage qui cherche à démasquer le tueur en tentant de comprendre les ressorts mentaux qui le poussent à perpétrer tant de crimes. Cette recherche est bien souvent ressentie comme une obsession que développe l'enquêteur, comme pris dans une inversion des rôles, devenant à son tour le chasseur. Cette obsession fait alors en sorte de cautionner le désir morbide que le commun peut ressentir, qui se traduit par une fascination pour ces criminels, pourtant si monstrueux.
Mais, foin ici de toute utilisation de ces ficelles, ou du moins pas de façon visible. Certes, on est très vite plongé dans le vif du sujet et les premières pages réussissent à faire monter une sorte de panique diffuse face à la découverte d'un tueur en série
ah non...n'ayant d'autre logique apparente que celle de tuer des femmes. Aucune n'est à l'abri de cet homme que les premières victimes et même les suivantes, pourtant étranglées dans le marasme médiatique censé les avertir, laissèrent entrer dans leurs appartements sans rien suspecter. L'impuissance policière face au phénomène, comme éclaboussant le début de l'histoire, contribue elle aussi au sentiment d'urgence. Bref les premières pages sont très miam. Puis arrive Jack Bottomly, avocat à qui on confiera l'affaire et la charge de l'enquête, et là tout tombe comme un vieux soufflé. L'enchaînement hiératique des scènes qui contribuèrent à poser l'ambiance du début se prolonge après cette prise de poste, et le tout résulte en une mauvaise compréhension de la narration, ou tout du moins à des articulations poussives. Alors que cette nomination au poste d'enquêteur en chef pose dans l'histoire une structure et un certain calme, qui permettront d'obtenir la fin du cauchemar, la narration continue ses sauts d'un coin à l'autre de l'espace et du temps. Cette façon de faire, que l'on sent passer sans souci au grand écran, appuyée par le son, la musique, ou un développement des dialogues plus important que permet ce média, se perd en BD en des tentatives et figures de styles difficilement compréhensibles.
Le résultat laisse alors voir le travail des auteurs où on ne voudrait voir que l'histoire qu'on nous présente, et malgré le très bon trait de Fino, l'illusion est perdue. Pire, une impression légèrement ressentie dans la première page et portant oubliée, refait surface et ne quitte plus l'esprit : l'impression de regarder The Boston Strangler (de Richard Fleischer avec Tony Curtis et Henry Fonda). Nul doute que ce classique
ah ben si...aura orienté la construction du cinéaste pour l'occasion. Est-ce alors pour tenter de se démarquer de cette ascendance que certains noms sont faussés dans la BD, relatant pourtant une histoire authentique ? Le procureur général du Massachusetts Edward Brooke, seul procureur général noir du pays s'appelle ici Paul (?). Il nomma son assistant John S. Bottomly, qui dans la BD se prénomme Jack et est un avocat indépendant (?). Le bras droit de Bottomly était Philip DiNatale, qui n'apparaît pas ici et est remplacé par un gars qui s'appelle Kyle Stockfish (?), introuvable dans les sites qui rapportent avec force détails les évènements en question.
Enfin, ce bon début et ce milieu moyen accoucheront d'une fin traînante et très moyenne. Attrapé à la page 40, DeSalvo va subir 8 pages d'interrogatoire pour l'amener à comprendre ce qu'il a fait, ce qui n'arrivera véritablement qu'à la dernière case, laissant en bouche le goût amer d'un développement allongé vers une chute trop brève. Le personnage du tueur prend la mesure de ses crimes, ce qui l'horrifie, mais comme on a perdu 8 pages à l'interroger, on n'aura pas le temps de le suivre dans sa gestion de la réalité. Y'a plus de place. Plouf !