9/10Un Eté calme

/ Critique - écrit par iscarioth, le 23/04/2006
Notre verdict : 9/10 - Broken flowers (Fiche technique)

Un été calme est une petite perle. Un album qui déborde « d'humanité silencieuse ».

Un été calme raconte les dernières semaines de vacances estivales de Christophe, un jeune lycéen. L'adolescent se traîne du matin au soir dans sa maison, tuant le temps avec quelques jeux vidéo. Alors qu'il effectue une course chez le fleuriste pour sa mère, il rencontre Myriam et connaît ses premiers émois amoureux.

De l'amour discret


L'adolescence, l'éveil à l'amour, sont des thèmes difficiles à aborder avec justesse. Avec cet album, Arne Bellstorf dresse un portrait à la fois souriant, tendre et terriblement pertinent des jeunes gens d'une quinzaine d'années. Un regard à demi éveillé, un corps recroquevillé sur lui-même, des bras qu'on ne sait pas trop où mettre... Bellstorf dresse un portrait de l'adolescence tout aussi physique que mental. « Que désirez-vous jeune homme ? » lance une serveuse à Christophe, « J'sais pas... » soupire-t-il mollement. Bellstorf parvient à faire passer un sentiment très rare ; celui de faire communiquer ses personnages avec le lecteur par le silence. Un été calme est l'une de ces trop rares BD qui se regardent plutôt qu'elles ne se lisent. Les vignettes silencieuses sont nombreuses. Pour vivre l'histoire, il faut tenter de lire sur le visage des personnages. La force de Bellstorf sur cet album est qu'il ne donne pas dans l'exagération, il n'étire pas le visage de ses personnages jusqu'à la caricature. Tout est en nuances. Ce sens de la subtilité amène forcément une impression de réalisme. La narration, basée sur une observation calme, posée, donne l'impression de pénétrer l'âme des personnages. Pour prendre un point de comparaison cinématographique et récent, cette impression de « silence communiquant » est la même que celle mise en place dans
Broken Flowers de Jim Jarmusch.

Glacial mais humain


La lecture est observatrice, donc, mais elle est aussi glaciale. Un été calme est esthétiquement très froid. Chaque planche est très proprement et géométriquement découpée, avec beaucoup de linéarité, parfois sur le mode du gaufrier. Le noir et blanc de l'encrage n'est colorié que de gris. Le trait de Bellstorf est épuré. On pense à des auteurs comme Seth ou Daniel Clowes. Le plus impressionnant reste les visages, tous très durs, que l'on croit impassibles dans un premier temps et sur lesquels on voit poindre une humanité contenue ensuite. Christophe, le personnage principal, est troublant. Le jeune homme est silencieux, mais l'on perçoit souvent des lueurs dans son comportement et dans ses rares mots qui laissent entrevoir une personnalité riche et étendue. Le sentiment d'empathie est immédiat. L'histoire personnelle de Christophe s'entremêle avec celle de sa mère. Bellstorf a fait s'alterner le récit de vie de la mère et du fils, même si on passe beaucoup plus de temps avec ce dernier. La relation entre Christophe et sa mère, discrètement possessive, est la plus intéressante de l'album. Le seul défaut que l'on peut trouver à cette bande dessinée, c'est d'être - seulement parfois - un peu trop brutale dans ses transitions d'une scène à l'autre.


Un été calme est une petite perle. Un album qui déborde « d'humanité silencieuse ».