Empire USA - Tomes 1 et 2
Bande Dessinée / Critique - écrit par riffhifi, le 06/10/2008 (Tags : tome empire usa stephen saison desberg livre
Le premier tiers d'une saga qui sera complétée d'ici Noël. De la bande dessinée grand public avec juste ce qu'il faut de discours politico-social pas trop compromettant.
C'est la machine de guerre de la rentrée 2008 : un scénario de Stephen Desberg, des dialogues coécrits par Yann, une colorisation supervisée par trois personnes, et cinq dessinateurs différents sans compter Enrico Marini qui a conçu certains personnages... A l'arrivée, Empire USA fait six tomes, dont deux sortent en septembre, un en octobre, deux en novembre et le dernier en décembre. Dargaud a probablement prévu de faire l'essentiel de sa galette du dernier semestre sur cette série destinée à occuper les têtes de gondole de toutes les librairies pas trop spécialisées. Incontournable ? Mais si, faites un effort, il y a plein d'autres albums planqués derrière...
Jared, beau gosse blond à la crinière de félin, est sur le point de se tirer une balle dans la tronche au lieu de sauver les Etats-Unis. Il hésite, parce que la bombe chimique qui s'apprête à sauter peut changer radicalement la face du pays, qui se retrouverait en peu de temps aux mains des conservateurs extrémistes... Pas pressé de se flinguer, Jared va prendre le temps de raconter au lecteur les évènements qui l'ont amené là, en commençant par sa jeunesse en Egypte et ses missions secrètes en Irak.
La première remarque qui s'impose au feuilletage des deux premiers tomes est
Yark yark, kolossal humourd'ordre graphique : la multiplicité des dessinateurs ne semble pas avoir été dictée par une volonté de varier les styles, mais bien par un souci d'efficacité et de rapidité d'exécution. Bien que Griffo (tome 1) penche plus vers la ligne claire et Mounier (tome 2) davantage vers le réalisme, leurs dessins restent suffisamment proches pour que le lecteur peu attentif puisse avoir l'impression de continuer à regarder des planches d'un même artiste. Les découpages, classiques et discrets, sont entièrement au service du récit ; on note tout de même une volonté d'inventivité chez Mounier, qui s'affranchit des cases plus volontiers que Griffo.
Si l'évocation de la secte des Hashashins donne envie de renvoyer plutôt à la série de Casterman Le seigneur des couteaux commencée récemment, l'histoire joue essentiellement sur la corde de l'anti-américanisme bon teint qui traverse la France depuis la réaction de Bush aux attentats du 11 septembre : ici, le gouvernement et ses agences sont donc pourries jusqu'à la moelle, la théorie du complot bat son plein et le héros est un jeune cool rebelle qui s'interroge sur le bien-fondé de ses actions au sein d'une filière ultra-secrète de la CIA. La saga contient son lot réglementaire de seins nus (mais pas trop, on vise le public à partir de 11 ans et demi), de morts violentes (mais pas trop, les parents surveillent), de fourbes facilement identifiables (ce sont des intégristes religieux qui se tapent des fillettes) et d'intrigues à tiroir pour tenir les lecteurs en haleine jusqu'à la fin du tome 6. Les
avec des pommes de terre ?références se doivent d'être clairement identifiables, c'est pourquoi le pote du héros cite Star Wars à tour de bras ; on reconnaîtra cependant l'introduction de private jokes plus subtiles là où personne n'est censé en chercher : ainsi, deux espionnes sous couverture se font appeler Thelma Scott et Louise Lasser, en hommage au film Thelma et Louise de Ridley Scott et à l'ancienne égérie de Woody Allen.
Il n'y a rien de foncièrement raté ni détestable dans ces deux premiers tomes, simplement du fast-food policier déguisé en récit pseudo-politique. Dans ce territoire convenu et balisé, il semblerait même que les personnages n'aient pas le droit de dire « merde » ou « nom de Dieu », respectivement remplacés par « m... » et « nom de ... ». Pourtant, ils ont le droit de dire « putain » et « saloperie », rendez-vous compte du type de remarque qu'on se fait sur ces deux premiers tomes...