8/10Le dernier chapitre

/ Critique - écrit par riffhifi, le 10/10/2009
Notre verdict : 8/10 - Le dernier des mots est quand ? (Fiche technique)

Tags : chapitre dernier jeux manga ventes juillard bob

La dernière histoire de Blake et Mortimer, celle de Barbe-Rouge, des Pieds Nickelés et de Johan et Pirlouit : c'est avec un regard attendri et respectueux que Convard et Juillard racontaient en 1998-99 ces derniers tours de piste.

Alors que Francis Blake et Philip Mortimer reprenaient tout juste le chemin des librairies (L'affaire Francis Blake en 1996, premier album post-Jacobs), Didier Edition intégrale (octobre 2009)
Edition intégrale (octobre 2009)
Convard et André Juillard leur concoctaient déjà un chant du cygne intitulé L'aventure immobile, dans un avenir où les deux Anglais auraient troqué l'énergie contre le cheveu blanc. Présenté dans un format à l'italienne, alternant les pages d'illustration pure et celles qui reproduisent une correspondance échangée par les deux héros, le résultat n'est pas à proprement parler une bande dessinée, mais plutôt un livre illustré, terriblement élégant et parvenant brillamment à évoquer la vieillesse de ces personnages mythiques. L'histoire se présente comme un complément à celle du Mystère de la grande pyramide, et propose une virée onirique et philosophique au pays des souvenirs et de l'amitié. Il est plus que probable que la sortie de cet opus en mars 1998 aient été déterminant dans le choix de Juillard pour reprendre le dessin de
Blake et Mortimer en alternance avec Ted Benoit : de 2000 à 2008, il signera quatre albums sur des scénarios d'Yves Sente, avec une réussite inégale mais jamais à la hauteur de ce Dernier Chapitre qui cherche à rendre hommage plutôt qu'à répliquer l'œuvre de Jacobs.

En parallèle de L'aventure immobile, le duo Convard-Juillard sortait un autre "dernier chapitre" consacré cette fois au pirate Barbe-Rouge créé par Jean-Michel Charlier et Victor Hubinon. La marée de Saint-Jean, construit sur le même modèle, est également narrée à travers une série de lettres, écrites par le personnage-titre et son fils adoptif Eric. Le ton, là encore, est affectueux et empreint de respect pour l'œuvre originale. Selon que l'on se passionne davantage à l'origine pour les aventuriers britanniques ou le borgne roux poilu, on s'émouvra plus ou moins de l'une ou l'autre histoire, mais les deux offrent le même type de point final aux sagas abordées.

En janvier 1999, les deux autres albums de cette collection suivaient en une nouvelle salve. Essais plus risqués : il ne s'agit plus de s'attaquer à de  traditionnelles séries d'aventures, mais à des héros de séries comiques : d'un côté Les Pieds Nickelés, de l'autre Johan et Pirlouit. Dans les deux cas, André Juillard applique sans faiblir son style réaliste et sa mise en couleur toute douce, transformant notamment les personnages médiévaux de Peyo en deux bonshommes de chair et de sang évoluant dans de vrais décors. Son approche des Pieds Nickelés est plus orientée vers la période Pellos que vers l'original de Forton, mais ce dernier est généralement moins connu du lectorat. Pourtant, c'est bien vers le style de narration des premières bandes dessinées que l'on revient avec la présente séparation des textes et de l'image ! Croquignol, Filochard et Ribouldingue n'étant pas supposés férus de communication écrite, leur histoire Demain sera un autre jour est racontée à la façon d'une pièce de théâtre, découpage en actes et scènes à l'appui. Si leur langage fleuri est plutôt bien restitué, on peut arguer que le scénario déniché par Convard constitue le plus faible des quatre, avec son clin d'œil incongru à Roger Moore et son idée de mettre les trois larrons en maison de retraite (qui les y a mis ?!). En revanche, l'album de Johan et Pirlouit appelé Le Bois aux Licornes (un titre si bien choisi qu'il donne l'impression d'être un de ceux de la série officielle) offre une dernière aventure jolie et amusée aux deux amis, avec une apparition de l'increvable mage Homnibus...


Les quatre courts albums sont enfin disponibles en un seul volume, vendu dans un fourreau trompeur car orné d'une nouvelle illustration en hauteur qui représente essentiellement Blake et Mortimer (Eric, Croquignol et Pirlouit sont présents mais... cachés). Il convient donc d'être bien informé pour avoir conscience que le contenu est dans un format à l'italienne, rassemble bien quatre histoires et n'est pas une bande dessinée mais un texte illustré. Fort de ces connaissances, on sort néanmoins le porte-monnaie, car l'objet le vaut bien. Et si on n'aime pas les séries de papa dont ces histoires sont le prolongement, on peut toujours préparer le cadeau de Noël d'un amateur de bd d'antan.