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8/10Demain l'apocalypse

/ Critique - écrit par Maixent, le 01/11/2015
Notre verdict : 8/10 - Liberté, j'écris ton nom (Fiche technique)

Tags : manara milo apocalypse livres tome robin demain

Quand un maître de l'érotisme part dans l'espace.

Il y a les artistes qui font toujours la même chose et lassent le public par des répétitions et un enlisement dans leur art. Et puis il y a ceux qui ont une patte. Qui font sensiblement la même chose, ont un style unique et reconnaissable immédiatement et qui pourtant traversent le temps sans problème. Ceux qui comme ACDC ou Manara ont un truc en plus qui font d’eux des références et auxquels on n’en voudra jamais de se répéter.


Robespierre face à la populace

Depuis le Déclic, les femmes de Manara sont toutes les même. Difficile de vraiment reconnaitre Miel ou Claudia si ce n’est grâce à la coupe de cheveux. On ne reviendra pas non plus sur leurs bizarreries anatomiques. Et pourtant la magie opère, on ne sait pas trop pourquoi. Sans doute parce que Manara n’use pas de procédés trop complexes, allant même à une simplification extrême dans le dessin, des ombrages discrets, de longues lignes qui correspondent parfaitement au fuselage des jambes trop grandes de ces femmes qui semblent toujours s’enfuir. Une quasi absence de nez pour les visages, deux petits points noirs (parfois un trait), qui leur confère une irréalité  de poupée, sans marques, sans blessures. Toujours est-il que le style  s’affine au fur et à mesure du temps, l’auteur maîtrisant parfaitement son dessin et ne s’embarquant pas dans des fioritures inutiles.

Le dessin a donc évolué et il en est de même du propos. Si les albums de Manara ont toujours été politique dans une lecture plus approfondie, ici, c’est l’engagement qui prend le dessus sur l’érotisme. Et quoi de mieux pour dénoncer des systèmes que de recourir à la science-fiction. Deux histoires sont réunies dans cet album autour d’un même thème cher à l’auteur, la liberté.

Le premier récit est clairement engagé, une dystopie concrète, traitée graphiquement d’une manière plus réaliste, notamment
La publicité dans ce qu'elle a de plus vulgaire

 

pour les scènes d’émeute  ou d’exécution.  Imaginons qu’un Robespierre exalté et fougueux s’en prenne à tous les excès de notre société, à toutes les disparités existantes et notamment à l’entertainment et la télévision. Et pendant qu’on y est, pourquoi ne par réhabiliter la guillotine et les exécutions publiques, ce dont fera les frais un journaliste sportif coupable de voler la vedette aux vrais héros de la nation, les athlètes, et de préférer l’audimat à un travail objectif.

Manara décrit les dérives d’un système qu’est celui de notre société, mais aussi bien sur les excès d’un contre-pouvoir révolutionnaire, prêt à éliminer tout opposant sous un régime de terreur. Ainsi, Kay, l’héroïne dont on suit le récit en parallèle des parodies de procès tenus avec une main de fer par Robespierre, est une victime à la fois du système établi et du contre-pouvoir. Artiste n’aspirant qu’à danser, elle est obligée de passer par les réseaux actuels et se trouve amalgamée aux pourris détenant le pouvoir et kidnappée. Les deux histoires se rejoignent à la fin, Kay et Saint Just offrant une alternative simple et sensée. La guillotine et la télévision empêchent de penser mais la télévision peut devenir un outil de savoir et de connaissance contrairement à la guillotine. Il faut juste penser à l’éteindre parfois et ne pas oublier la richesse et la diversité qu’offrent les arts.


Sur Piranèse

Le deuxième récit est plus proche d’un space-opéra se déroulant dans une galaxie très très lointaine. Sur Piranèse, la planète prison, les prisonniers sont castrés ou stérilisés selon  la dureté de leur peine. Il est donc étonnant que revienne aux oreilles du bailli responsable qu’une humaine soit née naturellement et vive tranquillement sur cette planète. L’enquête est menée qui poussera notre jeune héroïne à revenir sur Terre. Un monde dépourvu de violence mais aussi de libre arbitre, où la bêtise a pris le dessus, faisant passer Bienvenue chez les Chtis pour une émission culturelle et où la publicité est tout. On est dans un monde proche de celui de Démolition man qui n’a plus rien d’humain, mais dans un sens plus critique et bien sûr plus érotique. C’est tout de même Manara.

Au final les deux récits se complètent très bien. Rendant compte des dangers de la misère intellectuelle et des dérives totalitaires qui privent les humains de leur humanité. Hymne à la liberté, Demain l’apocalypse n’est pas un ouvrage érotique à proprement parler même si la nudité est très présente et que le port de la culotte n’est souvent qu’une option pour ces dames.