7.5/10Corée : la Corée vue par 12 auteurs

/ Critique - écrit par iscarioth, le 22/12/2006
Notre verdict : 7.5/10 - La rencontre de deux univers (Fiche technique)

Tags : coree coreens nord auteurs coreen coreenne guerre

Un album cohérent, indispensable aux amateurs de manhwas, et une bonne porte d'entrée pour les traditionalistes franco-belges frileux.

La Chine, le Japon, voilà les deux principaux pays que l'on aborde lorsque l'on parle de l'Asie. La Corée, face à ces deux géants, nous laisse souvent l'impression de l'inconnu. C'est un constat que dresse très justement Nicolas Finet dans sa préface. Mais les choses sont en train de changer. On entend de plus en plus parler des manhwas, les bandes dessinées coréennes. Les éditions Casterman proposent en cette fin 2006 un album réalisé collectivement qui se distingue des autres réalisations du genre par la noblesse et la diversité de ses intentions, ainsi que par sa cohérence.

Cloisonnement, décloisonnement...

Corée : la Corée vue par 12 auteurs, ce n'est pas la fusion, mais bien la juxtaposition de deux univers. Côté franco-belge, on a : Bouzard, Catel, Igort, Mathieu Sapin, Tanquerelle et Vanyda. Côté coréen : Byun Ki-Huyn, Chaemin, Choi Kyu-Sok, Lee Doo-ho, Lee Hee-Jae et Park Heung-Yong, la crème de la crème, nous affirme-t-on. Il faudrait une solide étude de sociologie de la lecture pour étayer cette affirmation, mais d'expérience de lecteur, les passionnés de BD franco-belge et ceux de BD asiatiques sont rarement les mêmes. Pourtant, dans ses dernières évolutions, le manhwa semble s'être rapproché de l'univers franco-belge, avec une grande personnalisation des récits, qui a évité le confinement en genres, caractéristique des mangas. Se distinguer pour survivre, après que la Corée ait vue débouler sur son marché toute une production japonaise fort plébiscitée. On trouve donc des passerelles entre l'univers franco-belge et coréen, passerelles parfois personnifiées, incarnées par certains auteurs des deux horizons : Vanyda vit l'expérience de la Corée comme un retour aux sources, elle dont le style est fort empreint d'Asie et dont le père est coréen. Il y a aussi Chaemin, dont le récit s'apparente fort aux histoires intimistes et d'auteur si chères aux bédéphiles hexagonaux. Mais, tenterons-nous d'affirmer, la plupart du temps, les univers restent cloisonnés, et les amateurs de l'un, n'accrocherons pas forcément aux récits de « l'autre ».

La rencontre du comique quotidien et de la métaphore spirituelle

Le casting est excellent, et érige en porteur d'une identité, toute un groupe d'auteurs franco-belges qui sont loin, pour l'instant, de jouir d'une reconnaissance publique, critique et « d'élite » à la mesure de leurs talents. On citera en premier lieu Bouzard, qui nous livre ici un récit comique dont il a le secret, mêlant autodérision et loufoqueries, le tout saupoudré d'un je-ne-sais-quoi de gouaille héritière des grandes aventures de Lucien par Margerin. Autre auteur comique : Mathieu Sapin, l'heureux créateur du plus ridicule des super héros à la française, Supermurgeman. Le temps d'un récit, il laisse de coté ses manies nonsensiques et investit un récit on osera dire plus compréhensible. Autre récit « typiquement français », avec un humour tiré de l'expérience quotidienne, celui de Catel, la créatrice de Lucie (Lucie s'en soucie, chez les Humanos). Face à cela, un univers manhwa la plupart du temps plus enclin à la spiritualité, aux récits plus imagés : Choi Kyu-Sok et Byun Ki-Hyun investissant de très intéressantes métaphores animalières, Lee Doo-Ho et son conte écologique dans un monastère. L'ensemble des récits distillent tout de même des informations ou saveurs sur la civilisation coréenne, qui, nous n'en doutons pas, iront jusqu'à donner à certains des envies de voyage.

Difficile, pour un album collectif, d'éviter l'écueil du patchwork sans âme. Corée : la Corée vue par 12 auteurs y arrive, en proposant des auteurs aux univers complètement différents, aux méthodes et récits semblant parfois très éloignés du thème de base, mais qui pourtant ne donnent jamais l'impression du hors-sujet. Un album cohérent, indispensable aux amateurs de manhwas, et une bonne porte d'entrée pour les traditionalistes franco-belges frileux.