Les Contes de Mortepierre : Florie - Tome 1
Bande Dessinée / Critique - écrit par iscarioth, le 13/10/2005 (On peut rester dubitatif quant à l'intérêt de cette série connexe, qui ne passionne guère. Laissons toutefois aux auteurs le temps de mettre en place définitivement et solidement cette nouvelle série, au fil des albums...
C'est avec Mortepierre que Brice Tarvel s'est fait un nom dans le monde de la bande dessinée. La série s'est peu à peu affirmée comme l'une des références de chez Soleil. Fin 2004, presque dix ans après la parution de La chair et le soufre, Tarvel revient sur sa série fétiche en offrant aux fans de Mortepierre une série préquelle, racontant la préadolescence de Florie.
L'histoire
Près du village de Mortepierre, un dénommé Tanazol est traqué par une bande de malfaiteurs. Le jeune homme fait la connaissance de Florie, une jeune sorcière rousse, qui se décide à le protéger...
Retour aux sources
On retrouve ici enfants les personnages principaux de la série Mortepierre. Florie, notre héroïne qui, pour ce retour à l'enfance a sérieusement dégonflé des hanches et de la poitrine, sa soeur Bérengère et, bien sûr, son premier amour Garin, déjà bien attaché à sa « cognée ». Changement d'époque, changement de dessinateur. Ce n'est plus le trait rude et ciselé de Aouamri qui s'illustre ici, mais celui de Christian Verhaeghe, déjà associé à Tarvel quelques années plus tôt pour le quatrième tome des Traînes-Ténèbres. Le dessinateur, qui a réalisé ces dernières années des progrès considérables, a su reprendre à son compte l'univers et les personnages de Mortepierre sans trop choquer les fans de la série mère. Son trait est fin et donne l'impression d'être très épuré malgré l'abondance de détails. On pense aux réalisations de l'excellent Frédéric Peynet. La mise en page est elle aussi impeccable, variée, facilitant la lecture et même parfois inventive. La coloration donne une grande force visuelle à l'album. On ne s'étonne pas de la voir signée Yves Lencot, l'un des plus grands coloristes BD en activité (plus de vingt ans de carrière ; Lanfeust de Troy, Chroniques de la lune noire, la Quête de l'oiseau du temps, etc...)
Une réussite technique
Scénaristiquement aussi, les contes de Mortepierre atteint un bon niveau. Tarvel continue sa progression dans l'élaboration des dialogues. Ceux-ci sont plus légers que dans Mortepierre, occupant moins d'espace sur les planches et retardant moins le lecteur dans son parcours. On conserve cet esprit médiéval dans les dialogues, avec peut-être moins d'humour mais toujours ce vocabulaire très poussé et ces astérisques à gogo. Cette préquelle porte très bien son nom. On est ici en effet bien plus dans l'univers des contes que dans celui de l'héroïc fantasy grasse ou du médiéval crasseux. Alors qu'on assiste sans arrêt à des effusions de sang ou à des tentatives de viol dans Mortepierre, dans les contes, les choses sont beaucoup plus suggérées, sous entendues ou tout au moins dévoilées bien plus pudiquement. Le Moyen Age se fait moins apocalyptique, moins crasseux et plus ensoleillé. Les thèmes aussi suivent l'évolution. On parle de sorcellerie, d'enchantement, d'enfants, d'empoisonnement, de nature... Sans forcément leur être destiné, cet album est beaucoup plus accessible aux préados que ceux qui composent la série Mortepierre originelle.
Un intérêt limité ?
Malgré toutes ces qualités de réalisation, l'intérêt de l'album reste discutable. Florie ne passionne pas réellement. La préquelle n'apporte trop rien à la série de base, elle est un univers en parallèle. Avec une série comme Mortepierre, la mécanique « introduction - élément perturbateur - péripéties - élément de résolution - conclusion » s'articule sur un espace de quatre albums. On prend bien le temps de déployer l'action et les enchaînements d'une manière naturelle. Avec Florie, cette mécanique s'exécute sur un espace autrement plus court : un album. De fait, on a moins le temps d'explorer les personnages en profondeur, de poser l'action dans son esprit et donc, de s'attacher aux protagonistes et de se sentir concerné par les événements. On peut aussi souligner le fait que la préquelle manque d'enjeux dans le sens où l'on sait, après avoir lu Mortepierre, ce qu'il advient des personnages par la suite. On se place donc ici dans la logique de la série à aventures, épisodique. Un genre qu'il faut pouvoir apprécier. Tarvel réussit tout de même à nous étonner avec une planche finale assez imprévisible, proche du twist... Autre aspect déstabilisant dans Florie : l'adresse de l'héroïne, qui maîtrise bien mieux ses pouvoirs enfant qu'adulte. Même si un début d'explication nous est livré au début de l'album, cela reste assez curieux, voire contradictoire...
Ce premier tome des Contes de Mortepierre nous montre une équipe très au point. Un dessinateur et un scénariste qui maitrisent tout deux leur art. Cependant, on peut rester dubitatif quant à l'intérêt de cette série connexe, qui ne passionne guère. Laissons toutefois aux auteurs le temps de mettre en place définitivement et solidement cette nouvelle série, au fil des albums...