6.5/10La compagnie des ténèbres - Tome 1 - Joseph Adams

/ Critique - écrit par athanagor, le 18/12/2010
Notre verdict : 6.5/10 - L'appel du cul-nu (Fiche technique)

Sur fond de chasse aux nazis en territoire amazonien, cette BD s'aventure dans la magie noire, la possession démoniaque et les sacrifices humains qui tachent la moquette. Sympa ! Mais on regrettera une exposition plus claire des liens entre les personnages.

D'un côté, il y a Peter Dee, flic new-yorkais vivant dans un futur socialement effrayant et qui a un chouette chat noir. De l'autre il y a Joseph Adams, agent du Mossad à la poursuite de nazis en fuite en Amérique du sud dans les années 60 et qui, à défaut de chouette chat noir, se trimballe une chica locale à la cuisse ferme et facile. Cette BD propose un va-et-vient entre leurs histoires et on aura bientôt l'occasion de découvrir d'autres protagonistes, dans d'autres histoires qui seront, semble-t-il, toutes liées entre elles. Le problème, c'est qu'à moins de lire le récapitulatif sur la fiche technique ou sur le site de l'éditeur, cette réalité ne frappe jamais le lecteur. Tout du long, celui-ci est fermement convaincu que le flic et l'agent du Mossad sont la même personne, tant les mises en parallèle sont pesantes. Alors, peut-être que le dénouement final nous donnera raison, mais en attendant on a un peu l'impression que les auteurs se sont ratés quelque part, et cette impression altère rétroactivement la bonne impression qu'on
s'était faite à la lecture. On se retrouve donc dans le cas où le résumé bousille son sujet, à savoir, quand il se fait plus explicite que l'histoire.

Et cela est bien dommage, car la façon dont on lit et comprend l'histoire à la première lecture est assez plaisante. Tenu principalement par l'aventure amazonienne, qui occupe bien 80 % de la BD, on se laisse embarquer dans le récit et on s'y installe avec simplicité, sans trop chercher la petite bête. Loin de se délecter outre-mesure des femelles locales, aux courbes et capacités intellectuelles toute manarienne, et en tiquant légèrement à l'apparition d'un livre maudit écrit par un certain Howard Philip, on est surtout accroché à l'enquête de fond, menée par l'agent israélien. Ce qui permet cela, c'est le doute dans lequel on se trouve quant à savoir s'il s'agit bien de puissances occultes qui se manifestent réellement ou d'hallucinations provoquées par l'ignorance et la chaleur. Jusqu'à la fin, on ne saura pas réellement trancher. On est d'ailleurs poussé dans ce doute par la représentation du grand fou furieux après qui l'agent court, qui fait tellement penser à Raspoutine que s'en est indécent, ce personnage historique et bien réel qui a vu son nom serti d'une légende ahurissante, jusqu'à en devenir une figure mystique. C'est donc ce doute qui nous fait la plus forte impression, nous suspendant entre réalité et illusions, forces occultes et folie, objectivité et conditionnement.

Pour ne rien gâcher, le trait de Milano, qui abuse un peu des bouts de tétons et des morceaux de fesse de la jeune donzelle accompagnant l'aventurier, encouragé par la licence que lui octroie l'environnement chaud et moite dans lequel se déroule l'action, est assez vivant et très précis dans l'écologique comme l'anatomique. Ce dessin marche aussi très bien dans la représentation des figures chtoniennes censées représenter ce qui habite le héros. Dans ces passages, on remarquera également que le choix des couleurs est en grande partie responsable de l'impression d'invasion de l'espace par ces hallucinations tentaculaires, rendant ainsi ces monstres encore plus inquiétant. Bref, l'ambiance installée par le dessin est une réussite.

Malheureusement, on reste sur l'impression que le développement n'a pas su exposer ce que le résumé éditorial explique, et que les auteurs n'ont pas fait exprès de réussir leur coup. Alors, inévitablement, une question se pose : ce malentendu vient-il d'un mauvais développement du scénario, ou bien les auteurs n'ont-ils pas su capter suffisamment notre attention pour porter clairement la situation à notre connaissance ? Peut-être en aura-t-on une meilleure idée dans le prochain tome.