8/10Comme tout le monde

/ Critique - écrit par riffhifi, le 03/12/2007
Notre verdict : 8/10 - The Jalil Show (Fiche technique)

Tags : tout monde comme film everyone roulotte album

Un voyage frais et édifiant au monde du marketing ultra-sauvage. La version bd d'un scénario fait film en 2006.

A l'origine, il y a un scénario de film, écrit par Denis Lapière et Pierre-Paul Renders en 2004. Le premier étant auteur de bande dessinée, il présente le script à Sébastien Gnaedig, un éditeur de chez Dupuis. Ce dernier lui assure non seulement que l'idée est bonne, mais aussi qu'elle ferait une bonne bande dessinée. Le production de la version cinéma étant déjà en route, l'idée reste dans un coin. Jusqu'au jour où, le film fini, les auteurs décident de suivre le conseil de Gnaedig et contactent le dessinateur Rudy Spiessert pour concocter une version bd. Le dessinateur n'ayant pas vu le film ni pris connaissance du casting, il livrera sa propre version...
Le film sort le 21 juin 2006 dans l'anonymat le plus total, et le tome 1 de la bande dessinée en octobre 2006, promettant deux autres volets... Qui ne verront jamais le jour ! En effet, Dupuis sort directement en novembre 2007 le volume qui réunit les trois parties de l'histoire, laissant les possesseurs du premier tome dans une situation bien délicate. Un choix curieux, qui ne devrait pas empêcher les nouveaux venus d'acheter cette totale de 140 pages hautement recommandable.

Jalil est un cas : il est le Français le plus moyen de France. Repéré dans l'émission télé Comme tout le monde où il rafle tous les prix par ses réponses fantastiquement moyennes, il devient la proie de la société de marketing SOMADI, qui lui colle dans les pattes... une fausse fiancée, Claire, chargée de tester sur lui toutes les nouveautés du marché avec la complicité de ses faux voisins et de sa fausse famille. Jalil, cobaye solitaire ?

D'un postulat amusant, satire pertinente du monde actuel qui n'est pas sans rappeler les films The Truman Show ou En direct sur Ed TV pour leur stigmatisation du mépris grandissant de la vie privée au profit du profit (désolé), Lapière et Renders tirent un récit très subtil, nourri au cynisme autant qu'aux sentiments. On n'est souvent pas loin de penser au Lauzier des années 70 (La course du rat...) pour sa peinture acerbe du monde des médias et du show-business. Jalil, citoyen anonyme, se découvre prisonnier, trompé, utilisé par la femme qu'il aime et qui lui ment par intérêt : au-delà de l'humour et de la légèreté de surface, il y a là une vraie réflexion sur les limites de ce qui est acceptable dans une société qui se dédouane de toute responsabilité en invoquant sans arrêt la loi du plus grand nombre.

 La présence du personnage de Chastain, président de la République (interprété dans le film par Thierry Lhermitte) apporte une dimension politique (pas forcément très fine) à un récit qui aurait probablement pu s'en passer, mais dans l'ensemble,
les personnages sont efficacement brossés et rendus avec talent par le trait dépouillé et carré de Rudy Spiessert, spécialiste de ces bandes dessinées quotidiennes où les protagonistes pourraient être vos voisins de palier. Pas de ressemblance à chercher avec les acteurs du film néanmoins, puisque le dessinateur a travaillé en faisant abstraction du casting. Ce n'est pas forcément un mal, car les photos fournies en fin de volume laissent à penser que la distribution faite par Spiessert est probablement plus judicieuse que celle qui a abouti sur l'écran... La bande dessinée aura-t-elle plus de succès que le film ? On le lui souhaite !