Comicschool #18 : les Guerres Secrètes de Marvel

/ Article - écrit par riffhifi, le 08/10/2009

A la demande générale (de Gyzmo), la rubrique comicschool est consacrée ce mois-ci aux Guerres Secrètes de Marvel Comics. Il n'est pas question ici des querelles juridiques souterraines qui pourraient exister au sein du groupe (tiens, les héritiers de Jack Kirby ont récemment intenté une action en justice pour récupérer des sous sur les produits dérivés de ses personnages cocréés avec Stan Lee), mais des deux mini-séries Secret Wars écrites par Jim Shooter et publiées à la suite l'une de l'autre, de mai 1984 à mars 1986.

Le point de départ de cet immense crossover, inutile de se le cacher, est une volonté délibérée de vendre des petites figurines aux marmots. En 1984, Marvel a envie de renflouer ses caisses en frappant un grand coup, et charge Shooter de tricoter une intrigue qui réunisse un maximum de super-héros afin de pouvoir marketter l'ensemble efficacement. L'histoire éclabousse la plupart des parutions régulières (Spider-man, Thor, Hulk...), et génère sa propre ligne de jouets sous le label Secret Wars. Pourtant, bien que la démarche soit initialement commerciale
(au contraire du Crisis on Infinite Earths de 1985 chez DC, qui sera mu par un besoin éditorial de faire le ménage dans les univers parallèles), cette première mini-série bouleverse durablement bon nombre d'éléments dans le petit monde Marvel. Rappelons les faits : le Beyonder (littéralement, "celui qui au-delà" - non, il ne manque pas de mot), un être omnipotent et omniscient qui incarne à lui tout seul la galaxie dans laquelle il habite, décide de convoquer une poignée de super-héros et de super-vilains sur un bout de caillou appelé Battleword, afin d'observer leur comportement et de se faire une idée de la nature humaine ; le personnage n'est pas sans évoquer celui de Q, que l'on croisera dans la série TV Star Trek, the next generation à partir de 1987. Au cours des douze numéros que dure le bazar, les évènements suivants retiennent l'attention de l'historien des comics :

  • Peter Parker découvre un mystérieux costume noir, qui s'avèrera bien plus tard être un symbiote extraterrestre dont il ne se débarrassera qu'au prix de la création de Venom
  • La Chose quitte provisoirement les 4 Fantastiques et se voit remplacé par Miss Hulk
  • Colossus quitte Kitty Pryde pour l'alien Zsaji
  • La deuxième Spider-Woman, Julia Carpenter, fait sa première apparition.

A peine trois mois après la fin de Guerres Secrètes, Jim Shooter dégoupille la suite, moins connue mais bien plus perverse. Les dessinateurs Mike Zeck et Bob Layton laissent la place au sobre et discret Al Milgrom, et le scénario se concentre
cette fois sur le Beyonder lui-même, descendu sur Terre en loucedé pour se fondre dans la masse. Bien que bénéficiant d'un pouvoir quasiment illimité, le pauvre gus (il adopte des traits masculins pour ressembler à Captain America) ne parvient pas à comprendre ce qui fait l'intérêt de la vie et de l'humanité. Chacun des neuf épisodes le voit faire une expérience nouvelle (posséder le pouvoir, chercher l'amour...), qui affine sa compréhension du sujet. Sur cette trame quasiment philosophique, Shooter greffe quelques héros à la présence totalement périphérique, ce qui permet de justifier les couvertures épiques sous lesquelles se vend la série. Pourtant, le récit est quasiment intimiste, et se concentre uniquement sur un personnage tout-puissant et dépourvu de morale : il fait l'expérience du pouvoir en pratiquant le proxénétisme et le crime organisé, puis décide de devenir un champion du Bien et donc d'éradiquer toute forme de Mal... y compris la Mort. Cette recherche des limites du genre super-héroïque, on la retrouvera à peine deux ans plus tard dans le Watchmen d'Alan Moore (le Beyonder et Dr. Manhattan ont de nombreux points communs), mais également dans L'Escadron Suprême dès 1985, la même année que Secret Wars II. Neuf numéros passionnants, certes imparfaits (pas mal de répétitions, un final lourd), mais détournant avec malice les impératifs du crossover (les héros mis en scène sont rarement des vedettes, voir cet épisode qui met en avant le duo Power Man - Iron Fist).

Tout ceci n'a aucun rapport avec la mini-série Secret War (sans s) publiée en 2004 et écrite par Brian Michael Bendis.