9.5/10Le Combat ordinaire - Tome 1

/ Critique - écrit par Levendis, le 02/11/2003
Notre verdict : 9.5/10 - A découvrir absolument ! (Fiche technique)

Le combat ordinaire est une histoire légère et bouleversante, et si elle a une suite, nous l'attendrons avec impatience.

Il y a des jours où une certaine rage vous gagne, surtout lorsque vous constatez qu'une personne qui mériterait mille fois d'être reconnue par tous ne l'est pas. Surtout que le talent de celle-ci n'est plus à démontrer, mais le monde de la bande dessinée reste étrange voire impénétrable. Je pense plutôt qu'elle est en proie à la facilité car combien de fois, ô rage, on constate dans les classements meilleurs ventes d'albums, voire les critiques dithyrambiques, le nom d'un dénommé Van Hamme apparaître ; et on ne parle pas de débats transcendants « Pour ou contre Titeuf ? » (véridique !) dans des magazines sérieux (cf. Lire). On se dit mais bon sang ! Pourquoi tant de haine ? Pourquoi la BD est-elle si lâchement dépréciée ?

Mais heureusement, oui heureusement, depuis quelques années une génération talentueuse envahit le monde de la BD et toute la presse généraliste (toujours à l'affût, rapace qu'elle est, d'une éventuelle mode) ne cesse de la porter aux nues. Et les Sfar, Trondheim et autre David B. ne cessent d'orner les couvertures des magazines. La particularité de ces personnes ? Savoir distiller à partir d'un dessin faussement simple, des histoires remplies d'humanisme, d'éthique, de philosophie et de poésie, le tout emmené par une grande rasade d'humour. À côté de ces cadors, il y a un autre animal, un cas particulier : Manu Larcenet. Celui-ci, trop rapidement catalogué comme dessinateur humoristique dans la lignée de ceux de Fluide Glacial, a en réalité un talent protéiforme. Ainsi qu'il nous fasse rire (Bill Baroud, Soyons fous, La loi des séries), ou qu'il se dévoile (On fera avec, Presque, L'artiste de la famille) à chaque fois il ne cesse de dérouter le lecteur par sa faculté à jongler constamment entre le dramatique, la gravité et l'humour sans que ça nuise au rythme général. Et justement dans sa nouvelle fournée il nous distille le meilleur de lui-même. On pourra même penser, en tombant presque dans les clichés, que c'est l'album de la maturité. Malgré tout, nous ne sommes pas vraiment éloignés de la réalité.

Voyons l'histoire donc : Marco a quitté Vélizy pour la campagne. Il a quitté son psy parce qu'il trouve qu'il va mieux. Il a aussi laissé de côté son boulot de reporter parce qu'il en a marre de photographier « des cadavres exotiques ou des gens en passe de le devenir ». Après une virée affectueuse (et éprouvante) chez les parents, il retrouve le silence de sa petite maison à la campagne, et son chat (baptisé Adolf en raison d'un caractère « affirmé »). Aussi il trouvera sur son chemin un vieil homme philosophe, une jolie vétérinaire conciliante et un chasseur inhospitalier. Ainsi commence pour Marco, le début d'une aventure qu'il va le marquer profondément, et nous de même.

Une histoire simple et pourtant...

À l'évidence autobiographique (comme le personnage, Larcenet habite Vélizy et a une grande complicité avec son frère) l'histoire est une succession de tranches de vie pleines de fraîcheur et d'humour sur la vie d'un "adulescent" typique connaissant des difficultés à grandir mais qui garde cependant une certaine éthique (plutôt une morale). Il connaît des bas mais il avance quand même dans le but de remonter. Là vous vous posez la question : en quoi cette BD est plus intéressante qu'une autre ? Eh bien je vous répondrais juste qu'elle est drôle, tendre, grave, introspective et touchante à la fois ; et surtout elle est d'une simplicité renversante (excluant cependant toute facilité). Bien entendu le tout amené par un scénario parfaitement maîtrisé et servi par un dessin jamais approximatif créant de suite l'adhésion du lecteur. Il faut bien le dire on rentre aisément dans l'histoire de ce Marco, un personnage qui nous semble très familier, et le suivre tout au long de l'album est un plaisir. Vous aurez assurément un sourire rivé aux lèvres devant l'enchaînement implacable des évènements, et cela malgré les passages « sombres ». Mais cependant à la fin, lorsque vous refermerez l'album, une certaine nostalgie sera présente et, même, un immense regret de rester sur votre faim vous assaillira. Comme si nous quittions quelqu'un de proche, un ami, un frère.

Tout cela permet de dire que si Le combat ordinaire est une histoire légère et bouleversante, et que si elle a une suite (et elle devrait en avoir une selon l'auteur lui-même), nous l'attendrons avec impatience.