7/10La Colonne

/ Critique - écrit par plienard, le 10/09/2013
Notre verdict : 7/10 - Du sang sur les mains (Fiche technique)

Un fait historique que la France préfère oublier (et on la comprend) pendant la colonisation fait l’événement aux éditions Futuropolis.

L’album La colonne aux éditions Futuropolis relate l’histoire d’une expédition formée en 1899 au nom de l’état français pour coloniser le reste de l’Afrique « libre ». À  sa tête, deux militaires français, le capitaine Boulet et le lieutenant Lemoine qui se désespèrent à Paris et tentent de réunir suffisamment de fonds pour mener à bien leur expédition. Ils n’obtiendront évidemment pas ce qu’ils veulent mais ces deux illuminés de l’Afrique s’en contenteront. Ils veulent retourner coloniser l’Afrique !


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Nous sommes à la fin du XIXème siècle et je vous rappelle que nous sommes en pleine conquête coloniale. Les pays européens se tirent la bourre pour conquérir le maximum de territoires. Nous sommes aussi à une époque où l’Africain est considéré comme sans âme, comme « une terre en friche où il faut arracher les herbes folles ». Le capitaine Boulet sera même explicite : « Je ne crois pas que l’on dompte les nègres avec des mots et de la charité. Nous sommes une race de maîtres et de soldats ». C’est dans cet état d’esprit que les deux militaires vont monter cette colonne qui va s’avérer destructrice et semer la mort dans les villages.

Cette histoire s’est réellement passée. Christophe Dabitch l'adapte librement en modifiant les noms des militaires – Vouley devient Boulet et Chanoine devient Lemoine – mais cette colonne et ses actions sont véridiques. Les dessins et les couleurs sont signés Nicolas Dumontheuil (Qui a tué l’idiot, Le landais volant).

Les deux auteurs réussissent un album impeccable. En présentant les deux militaires aux attitudes antagonistes mais pensant la même chose sur l’Afrique et les Africains, avec cet air d’illuminé et de va-t-en-guerre donné à Boulet et celui de comportement plus introspectif mais pas moins destructeur de Lemoine, on a un beau panel de comportements. On démarre pourtant l’album sur un Africain, Souley, recruté pour servir dans la colonne et face à un esprit qui représente celui de la colonne. Une image forte dans la première page, avec la main ensanglantée de Souley, qui peut paraître anodine à première vue mais qui annonce les massacres qui vont nous être racontés et qui rappelle que des Africains commandés par des français ont tué des Africains.

Un album qui parle franchement des événements mais qui utilise des images parfois difficiles à comprendre comme cet esprit qui communique avec Souley et qui sert de narrateur aux événements. Sa symbolique n’est pas franchement évidente, et même lorsque l’on sait qu’il représente l’esprit de la colonne, on a du mal à comprendre sa présence. On est d’ailleurs plus à l’aise lorsqu’il se fait moins présent pendant une partie du récit.

Le style graphique et les couleurs utilisées résonnent en complète concordance avec l’époque traitée. On retrouve ces images d’Épinal des noirs retournées cette fois contre les blancs avec ses femmes laides et ses militaires caricaturés qui ne sont pas beaucoup plus beaux.

L’image de la colonisation comme mode éducatif pour des peuples en retard prend une claque dans la gueule avec ce bon album dont on attend avec impatience la suite.


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