7/10Le Chant des Malpas

/ Critique - écrit par iscarioth, le 01/11/2006
Notre verdict : 7/10 - A moi la garde ! (Fiche technique)

L'album se hisse à un bon niveau malgré un scénario classique et un happy end huilé.

« Un pour tous, tous pour un ! » C'est un peu de Trois mousquetaires d'Alexandre Dumas que l'on retrouve dans Le chant des Malpas. Un tout petit peu seulement, c'est vrai. D'Artagnan, ici, c'est le Baron Cambadaléros, escorté très discrètement par des mousquetaires quinquagénaires et bedonnant que l'on aperçoit surtout lors du final, criant « Pour le roi ! » fleuret à la main. Notre Cambadaléros est surtout accompagné de son valet Parcoeur, formant avec celui-ci un duo comique au sens traditionnel du terme, dans la lignée des majestueux Don Quichotte et Sancho Panza.

47412_250.On retrouve la Milady et le cardinal avide de pouvoir. La victime de ces affreux méchants ? Eiledon, une néo-Constance de Bonacieux dont, évidemment, notre Cambadaléros s'éprend. Le chant des Malpas est une bande dessinée très romanesque et théâtrale. Les vingt premières pages (si ce n'est plus) sont chargées en dialogues expositionnels, des dialogues comme on en retrouve dans le théâtre d'antan, avec un personnage seul sur scène qui pense aussi fort qu'il parle. On sent dès les premiers instants de lecture le format one-shot. Pierre Boisserie articule ici en un album une histoire qui aurait très bien pu s'étaler sur un nombre doublement ou triplement plus important de pages. Les personnages pensent non seulement à voix haute mais s'imposent à nous comme de véritables livres ouverts. Les personnages se dévoilent à la seconde où ils rentrent en scène, à renfort de monologue devant la glace ou de joutes verbales en public. Pas de place pour le mystère ; l'épaisse affaire se doit d'être bouclée en 68 pages.

Bien qu'artificiels, les dialogues sont assez savoureux et les premières pages de l'album se laissent lire sans déplaisir. Il faut cependant attendre après la quarantième page pour que l'intrigue se débride un peu et qu'on nous amène quelques scènes d'action. L'histoire47411. est simple : il s'agit d'Eiledon, jeune femme dont on découvre l'incroyable capacité à soigner tous les maux par son chant. On envoie l'intrépide Cambadaléros venir la dépêcher auprès du roi, pour que ce dernier guérisse de sa mélancolie, ce qui contrarie les plans hégémoniques du cardinal. L'intrigue s'articule avec de légères insistances de dialogues, qui sont tout de même largement rafraîchis par des moments d'humour. Un humour vieux comme le monde, qui repose sur le rapport intense et provocateur entre Cambadaléros et son valet Parcoeur. Quelques gags, néanmoins, trop éculés, font tiquer, comme cette bagarre dont les deux personnages se sortent en rampant par-dessous la mêlée, comme dans un album d'Astérix ou un cartoon (page 54).

47410_250.Les auteurs ont su faire preuve d'intelligence dans l'agencement de leurs planches, à de nombreux moments. Ceux-ci utilisent par exemple à un moment un parallélisme, pour souligner la connivence des personnages (page 31), parallélisme géographique qui se poursuit ensuite dans les dialogues. On retrouve un autre effet de ce genre à la page 64, avec un double duel bien agencé. Le trait de Nicolas Bara est agréable à regarder, fort en « gueules », avec des visages burinés, caricaturaux mais réguliers. Les tonalités prédominantes de l'album sont le marron et l'ocre, qui collent bien à la rigueur des tissus et à l'éclairage à la bougie des endroits représentés. Le final, chargé en humour autant qu'en action, est un happy end tout ce qu'il y a de plus consensuel, avec guérison miraculeuse, gros bisous et punch line du second rôle pour conclure.


En résumé, l'hommage au théâtre et aux écrits d'Alexandre Dumas est sympathique, la composition et le dessin sont convaincant, et l'album se hisse à un bon niveau malgré un scénario classique et un happy end huilé.