8/10Les Champs d'azur - Tome 2 - Pénélope

/ Critique - écrit par athanagor, le 22/11/2010
Notre verdict : 8/10 - Plus d'espace (Fiche technique)

Avec ce deuxième tome des aventures d'un aviateur imaginaire, par le biais duquel on suit les premiers pas de l'aéronautique, cette série reste planante.

Fayard, chassé de l'écurie Joliot, fait désormais cavalier seul. Il vole donc de meeting en meeting pour tenter de battre les jeunes records que la fraîche discipline aéronautique se fixe timidement. Il espère ainsi, par la rémunération de ces exploits, réunir suffisamment d'argent pour construire son propre avion et réaliser cet ultime rêve d'ingénieur mécanicien. C'est lors d'un de ces événements qu'il va rencontrer John Moisant, américain qui voit en l'aviation et sa capacité à rassembler les foules une formidable occasion de faire du show business et de ramasser des dollars. Appâté par une rémunération époustouflante, Fayard accepte
de traverser l'Atlantique pour aller faire le mariole dans le cirque volant de Moisant, qui compte Roland Garros dans ses rangs. Traversant les états américains à la faveur des représentations, il va faire la rencontre de Maureen Lowell, dans des circonstances pour le moins inhabituelles.

Une fois de plus accueilli, en deuxième de couverture, par le détail des dates fortes de l'histoire de l'aviation en ce début de 20e siècle, mises en relation avec des repères historiques plus généraux et plus familiers, on pénètre à nouveau dans ce qu'on pourra croire être sa propre passion du sujet. En effet, et comme c'était déjà le cas pour l'opus précédent, on a beau ne pas avoir grand chose à carrer de l'histoire de l'aviation, cette BD, grâce à ce simple retour historique et l'illustration qu'elle constitue de la vitesse à laquelle le génie humain est parvenu à dompter les airs, finit par transformer le lecteur le moins réceptif en un gosse émerveillé. Au milieu de tous ces noms et tous ces lieux qui évoquent à chacun un petit quelque chose, le personnage principal avec sa gueule de französich à bacchante, fort en gueule et trompe la mort (mais bien sûr avec un cœur et une moralité à toute épreuve) plante plus profondément son image d'aventurier des temps modernes, dans un monde qui semble pourtant déjà bien balisé. Archétype éhonté de l'aviateur autodidacte, qui fit les premiers pas dans le plus vieux rêve de l'homme, ce personnage qui sent le sable chaud à des kilomètres suscite une vive sympathie et une certaine admiration. Malgré sa criante appartenance à un modèle fantasmé et improbable dont on ne cesse de crier que le moule est cassé depuis belle lurette, on n'a qu'une envie, c'est de lui ressembler. Et ceci est certainement dû au fait que cette image d'Epinal est couchée sur un substrat connu et identifié comme historique. Renforcé dans son appartenance au réel, il prend alors une valeur tout particulière de modèle socialement valorisé et d'exemple à suivre, l'homme
prêt à tous les sacrifices, à toutes les souffrances et à tous les efforts pour atteindre son but avec, si possible, une mèche folle mais calibrée et une moustache au cordeau. Bref, un héros, un vrai.

C'est aussi grâce à l'illustration que le lecteur est immergé avec une surprenante facilité dans cette époque-là. Dans une ambiance où l'industrialisation le dispute encore aux grands espaces, les acrobaties aériennes en milieu rural, parsemé, ici, d'éléments typiques du nouveau monde, donnent parfois l'impression de lire un cross-over entre Les tuniques bleues et Buck Danny, entre les décors de la guerre de sécession et les plans détaillés du Zéro d'une de ces « maudites faces de citron ». Dans ce cadre familier, autant du point de vue historique que du point de vue de la culture BD, Giroud brode une suite captivante à son récit, qui joue à merveille des références d'alors. En plus de l'apparition, souvent en off, des aviateurs célèbres dont on a pris soin de nous rappeler les exploits en entrant dans la BD, la mise en scène s'étoffe des considérations politiques, sociales et médicales qui, à la limite du cliché, finissent de poser la dernière couche de patine qui donne un charme supplémentaire à l'ouvrage.

Au final, dans son écrin propre et bleu, cette BD fleure bon la sueur et l'huile de moteur, qu'on apprendra de bon cœur à reconnaître pour les attributs du courage et de la droiture morale. Mais comme la simple exposition des hautes actions du héros, pour viriles qu'elles soient, finiraient par lasser, les auteurs semblent avoir décidé d'engager leur récit sur des chemins plus subtils, emprunts d'intrigues économiques et psychologiques. A suivre, et vivement.