Carmen Cru - Tome 8 - Thriller
Bande Dessinée / Critique - écrit par Maixent, le 14/09/2008 (Tags : carmen lelong tome jean albums livres manga
On retrouve avec joie la vieille peau de Lelong qui n'a pas pris une ride (il n'y a plus la place sur son visage). A lire sans modération avec une fine à l'eau sans eau...
On croyait être débarrassé de cette vieille carne de Carmen Cru. Mais comme on dit, c’est toujours les plus teigneux qui s’accrochent et la méchanceté conserve. Alors voilà le retour de la vieille dans une aventure urbaine trépidante, entourée de la lie de la société : escrocs, noblesse déchue, profiteurs, alcooliques… Tous plus humains les uns que les autres, mais de ceux que l’on préfère reléguer au fond d’une cour miteuse pour ne pas qu’ils empiètent trop sur notre vie.
Au centre de cette communauté hétéroclite, Carmen Cru (à ne pas appeler Madame
Une alimentation saine et équilibrée Truc sous peine de retrouver votre chat écorché sur votre paillasson), vieillarde cacochyme et bornée se nourrissant de Fernet-Brancats bien tassés. Maîtresse dans l’art de l’insulte et des qualificatifs les plus improbables, Carmen Cru terrorise son voisinage de parasites mais sans que cela n’entache la sympathie que le lecteur puisse éprouver à son encontre. En effet, sous son aspect bourru, Carmen est un personnage entier, ayant un sens aigu de l’honneur (armée de son fusil Mas 1872). Une vieille dame qu’il ne faut pas emmerder mais sans la méchanceté d’une Tatie Danielle, se contentant de vivre parce que c’est comme ça et qu’il faut bien faire avec.
La fête des voisinsCe huitième tome de ses aventures entre le bistrotier, la poste et le local poubelles est paru à titre posthume. En effet, Lelong, qui avait fait quasiment toute sa carrière chez Fluide Glacial, est décédé en 2004. Il regroupe plusieurs historiettes mettant en scène Carmen Cru et notamment une histoire plus conséquente occupant la moitié de l’album, intitulée Thriller. Thriller permet de revenir sur tous les personnages que l’on a aimés et détestés dans les précédents albums. Le voisin retraité, le duc, le neveu, Raoul l’alcoolique, Poupi Mouvillon… Tous ces personnages au regard torve et au faciès sorti tout droit d’un Germinal de Zola. De pauvres bougres hypocrites et engoncés dans leur méchanceté médiocre, tentant de pousser notre héroïne à quitter son logement. Des êtres immondes qui sous la plume experte de Lelong prennent vie, avec une histoire, un langage et des membres comme perclus de rhumatisme grâce à un trait expert, fait pour traquer la décrépitude du corps et de l’âme humaine.
L’album est aussi intéressant pour les fans car présentant les notes de l’auteur quant
Carmen Cru ou la joie de vivre aux descriptions de cet univers sordide et touchant. Ainsi, le lecteur est plus à même de rentrer dans la psychologie des personnages, allant au-delà de ce qu’il a pu lire précédemment et faisant sienne la complexité qui liait Lelong à ses dessins.
Il est regrettable que ce soit véritablement le dernier album de Carmen Cru, dont la joie de vivre a égayé nos cœurs depuis 1982, entre l’humour grinçant et la décrépitude, mais toujours avec un réalisme empreint d’humanité. Il sera toujours temps de relire les précédents albums.