6/10Le Bouddha d'azur

/ Critique - écrit par iscarioth, le 24/11/2006
Notre verdict : 6/10 - Gifford au Tibet (Fiche technique)

Le Bouddah d'azur est une oeuvre respectable et les amateurs du travail de Cosey s'y retrouveront parfaitement.

Cosey est un auteur reconnu pour ses histoires humanistes. La plus souvent citée est très certainement le Voyage en Italie, parue chez Aire Libre. On retrouve souvent l'auteur sur des one shot ou diptyques à grande teneur en sentiments comme Joyeux Noël ou May !. Avec le Bouddah d'azur, Cosey récidive sur une tonalité sentimentale, avec un récit qui s'avère au deuxième tome moins mièvre qu'il ne paraissait être au premier...


Le passage à l'âge d'homme

Gifford est un jeune étudiant anglais en Chine. Il s'embarque à l'insu de ses parents pour une expédition, qui tourne rapidement à l'accident. Echoué en pleine montagne, il est recueilli par les habitants d'un monastère tibétain et finit immergé et intégré par ce peuple. On s'en doute à la lecture de ce synopsis, on retrouve avec cette bande dessinée le sempiternel thème du passage de l'adolescence à l'âge d'homme. Sans être mal traité, ce thème est abordé assez simplement. Gifford, dans une scène d'exposition très traditionnelle, est présenté comme un ado puéril et un tantinet insolent. Un portrait assez caricatural de l'ado, à l'image de ce qu'il transporte dans ses bagages : de la lotion faciale contre l'acné et du dentifrice « pour un sourire irrésistible ». En échouant dans un monastère tibétain, le jeune homme concrétise en réalité son rêve bohême : s'affirmer et se trouver au travers d'un dépaysement initiatique. On voit le personnage s'élever par l'expérience de trois grands thèmes : le voyage, l'amitié et l'amour. Il se lie à deux jeunes garçons tibétains et se cristallise pour une image féminine fantasmatique, une entité symbolisant l'innocence, la beauté, la naïveté, la douceur et le mystère.


Changement d'âge, changement de ton

Avec le deuxième tome, l'intrigue évolue à la mesure du vieillissement du personnage. On retrouve Gifford après plusieurs années. Il est maintenant un homme, et Cosey a très bien su, par sa ligne claire, donner à son visage les traits du temps passé. Un visage plus sage et très légèrement marqué (petites cernes et ridules d'expression) qui symbolise une évolution certaine du récit, qui s'éloigne de la romance et du conte initiatique pour développer les thèmes du mysticisme et du patrimoine politique et historique. Avec le deuxième tome, on nous emmène non plus au Tibet mais dans la Chine maoïste. L'endoctrinement idéologique est démontré sans dénonciation démagogique et l'inflexibilité du régime en place s'oppose à l'espérance développée par les mythes tibétains vivants. Très empreint d'orientalisme et de spiritualité, ce deuxième tome ne se parcourt pas comme un simple récit d'aventure. La culture tibétaine est abordée avec beaucoup de respect, voire d'admiration. Du moins, semble-t-il, car nous n'avons pas les moyens de vérifier en profondeur la véracité du portrait délivré par Cosey. L'auteur a en tout cas le grand mérite d'aborder le thème du génocide tibétain par les chinois.


Cosey au Tibet

Les paysages tibétains ne vous éblouiront pas forcément, le style de Cosey, rappelant par moment la ligne claire, faisant peu de détails. Un dessin très peu photographique, dont les paysages ne se composent que de quelques traits et hachures. Un trait semi réaliste qui n'empêche toutefois pas une immersion complète. Les lecteurs les plus attentifs le remarqueront, le trait de Cosey s'apparente beaucoup à celui de Derib. Quoi de plus normal quant on sait que l'auteur a fait ses classes auprès de ce dernier. Même si Cosey a su évoluer dans son propre style, il lui reste toujours quelque chose de cette influence...


Le Bouddah d'azur est une oeuvre respectable et les amateurs du travail de Cosey s'y retrouveront parfaitement. Les autres pourront être un peu refroidis par l'immédiateté et le caractère caricatural des protagonistes pour ce qui est du premier tome, et par la spiritualité très appuyée de la seconde partie. Question de sensibilité.