8/10Que du bonheur ! - Tome 4 - Appels manqués

/ Critique - écrit par athanagor, le 19/09/2008
Notre verdict : 8/10 - Rappel automatique (Fiche technique)

Tags : bonheur tome jeunesse jannin vie manga frederic

La famille moderne et pluricellulaire vue par Jannin et Catheline donne une quatrième occasion de rire de choses plutôt désolantes.

Le couple Jannin-Catheline, uni à la page comme à la ville, nous présente son quatrième petit dans la série Que du bonheur !. Appels manqués, comme ses grands frères, se situe dans le cadre de la famille moderne recomposée et l'observe, cette fois-ci, par l'œilleton de la technologie, avec du portable, du SMS et du Wi-fi à gogo.

A travers une série de sketches sur 56 pages, les auteurs nous donnent à voir, en
grossissant forcément le trait, ce que les nouvelles technologies peuvent ajouter de tragi-comique dans les relations familiales. Non content de faire des parents des accrocs aux portables trop concentrés sur l'objet pour prêter attention à leurs rejetons, ils arment également (et ce n'est que justice) les bambins de téléphones dernier cri qui les tiennent bien loin des leçons que leur prodiguent leurs incompétents de parents. Résolument placé du côté des enfants, c'est, une fois passé les premiers gags un tantinet lourdingues, à l'apparition de ces derniers dans les sketches que l'album révèle toute sa substance et son intérêt. Jannin, déjà auteur des excellents Germain et nous... démontre à nouveau son affection pour les jeunes générations, censément plus ignorantes, qui pourraient pourtant en remontrer pas mal à leurs aînés, en évitant toutefois le travers d'en faire des génies.

Ces enfants qui entrent en scène sont ceux qui grandissent dans le giron d'internet et des nouvelles technologies et dont la plus grande des banalités consiste à être le fils de la troisième femme de son père. Non content de devoir faire montre, dans la cour d'école, de dispositions exceptionnelles pour les sciences ludiques, ils doivent maîtriser une généalogie personnelle qui ferait s'immoler des tribus entières d'amish par les feux célestes. De ces exigences, ils tirent une maturité dont la mise en scène offre une forme amusante sans jamais se départir de ce triste fond, qui est
l'enterrement d'une certaine innocence, à l'image de Guillemette, 11 ans, dont le string dépasse continuellement du pantalon et qui pense déjà à économiser pour sa première reconstruction mammaire. Ainsi prenant l'ascendant sur leurs parents, ils semblent bien mener la danse dans toutes ces histoires de familles recomposées, tantôt les rassurant en feignant d'être aussi naïfs que les "grands" le suppose, tantôt les manipulant à coup de pointe de culpabilité concernant la consommation du divorce.

Dans ce cocktail critique à l'égard des nouvelles technologies, des magazines pour femmes et de la mort de la discussion au coin du feu, Jannin et Catheline réussissent la prouesse de ne pas sonner comme deux vieux cons. Contrairement à ce que la couverture pourrait laisser à penser, Appels manqués n'est pas un énième pamphlet rédigé par un auteur aigri qui, vitriolant les us et coutumes des ses concitoyens qu'il abhorre, se moque de tous ces cons qui laissent s'éteindre la flamme de l'amour vraie et de la communication simple dans l'océan du moderne et de la technologie. Tournant son regard acéré et complice vers ses lecteurs, seuls qui puissent avoir un semblant de crédit à ses yeux, car seuls prêts à entendre ses paroles, il s'aveugle de son petit triomphe et ne voit pas que se sont les mêmes dont il se rit.

Non, ici les auteurs ont la délicatesse de sembler ne pas s'exclure du tableau et laissent voir ici plus l'anecdote dont le souvenir provoque un amusement d'autant plus fort que la gêne occasionnée fût grande, que la critique pure et simple des gens qui ne sont pas nous. C'est grâce à ça que l'on passe un excellent moment à la lecture de cette BD, et pas seulement une expérience dont on ressort avec le sentiment diffus d'être un sous-homme incapable de concevoir sa propre médiocrité.