6.5/10Bagdad K.O.

/ Critique - écrit par athanagor, le 14/10/2009
Notre verdict : 6.5/10 - Pétro-connard (Fiche technique)

Tags : bagdad tome salma sergio guerre livres paulo

Salma et Paulo s'autorisent une réflexion plutôt marrante sur le conflit armé en Irak, ses causes, ses conséquences et ses victimes.

A la lecture des premières pages de cet ouvrage, un souvenir particulier remonte à la surface, du moins pour les amateurs d'une certaine culture. Ce souvenir, c'est un épisode de South Park, où la population de cette joyeuse ville fêtait de concert le fait que le S.I.D.A. était devenu drôle et que, ayant fait les gros titres pendant un certain nombre d'années, on pouvait enfin se permettre de faire des blagues à ce sujet sans rougir. C'est un peu cette impression qui nimbe l'ouvrage.
La guerre en Irak ayant débuté il y a plus de 5 ans, c'est bon, on peut en faire des recueils de blague vaseuses. Mais attention, ne nous méprenons pas, vaseux n'est pas pourri.

Au fil des 64 pages de cet ouvrage, il y a bien sûr des moments d'humour poussif, parfois à la limite du rigolo, mais il y a également des moments jouissifs de déconnade éclairée utilisant habilement les référentiels géographiques et historiques en présence pour se foutre de la gueule des ricains. Plusieurs aspects sont utilisés pour prêter à sourire, à savoir tous ceux que l'on voit habituellement surgir lors des conflits armés, et plus particulièrement ceux concernant les USA. Le choc des cultures pour des ressortissants d'un pays où on a déjà du mal à se situer sur un planisphère ; l'intolérance des G.I., durs parmi les durs, qui haïssent les tendances sexuelles déviantes, avec en même temps une vraie fragilité, qui transforme ces loups sanguinaires en brebis égarées, quand le souvenir d'une explosion déclenche un stress post-traumatique ; la démesure d'un matériel à la pointe de la technologie pour tenir en respect des voleurs de poules, et d'autres absurdités qu'on peut imaginer survenir dans un désert sillonné par des gars de la campagne. Puis au-delà de ce qui se passe sur le terrain, une remontée vers la terre natale, là où tout a commencé, est distillée, utilisant des aperçus sur la couverture médiatique de l'événement, et bien sûr la portée éminemment économique de l'intervention, dont l'origine pétrolifère englobe tout l'ouvrage. Ainsi on reste proche du réel et, tout catalogue de vannes
soit-il, cet album touche à la guerre et à ses causes. En ce sens, l'humour y est inévitablement noir, si noir que par moment le drôle disparaît pour ne laisser que le tragique et l'inquiétant, permettant à l'ouvrage de prendre un peu de recul par rapport à la blague et de dévoiler la réflexion qui l'a fait naître.

Au travers de ce recueil de sketches, on constate l'emploi d'un des ressorts les plus sûrs et les plus efficaces du comique, universellement utilisé par les créateurs de tout poil : la connerie humaine. Et c'est toujours avec un certain plaisir qu'on se laisse se délecter de celle des autres. Mais loin de seulement la montrer et de s'en servir pour amuser, cette BD s'attache aussi à rapprocher son propos du réel pour affiner la frontière qu'on pourrait tracer entre le ridicule des situations ici dépeintes, et celui des événements qui se déroulent là-bas.