6/10Aquablue - Tomes 6 et 7

/ Critique - écrit par iscarioth, le 19/08/2006
Notre verdict : 6/10 - Partant du meilleur, en route pour le pire (Fiche technique)

Tags : aquablue tome etoile eur cailleteau tota thierry

Critique du second cycle, l'étoile blanche (tomes 6 et 7) : Aquablue se retrouve amputé de la moitié de son univers, la part restante subissant nettement les travers d'un scénario de plus en plus happé par l'entertainment et la surenchère.

Nous sommes en 1994. Alors que Projet Atalanta, le cinquième album d'Aquablue, venant clôturer un premier cycle, n'est pas encore sorti, paraît en libraire la première partie d'Etoile blanche. Un sixième album qui parait avant même la réalisation du cinquième, voilà qui n'est pas commun. Une brouille oppose en fait Thierry Cailleteau et son dessinateur Olivier Vatine. Projet Atalanta, le tome 5, qui laissera une très lourde impression de bâclé, sortira seulement en 1998, après la parution des tomes six et sept, datant de 1994 et 1996. Sur les premières pages des albums, on peut lire : « La série Aquablue a été créée par Olivier Vatine et Thierry Cailleteau ». Si Cailleteau a imaginé l'univers d'Aquablue en concevant les scénarios, la mise en image, travail de création à part entière, a bien été réalisée - et de manière magistrale - par Olivier Vatine. On a vu, dans la critique dédiée au premier cycle, à quel point le passage de relais entre les dessinateurs Vatine et Tota avait été douloureux, du tome 4 au tome 5. En effet, la transition n'avait pas été des plus convaincantes, la magie de l'univers d'Aquablue s'envolant avec Vatine, et l'esprit des scénarios allant en s'appauvrissant...

Du très bon, au très mauvais, en passant par l'Etoile blanche

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Etoile blanche, premier acte
Le diptyque Etoile Blanche représente une transition. Un couloir entre ce que fut Aquablue, une série novatrice, à enjeux, mélangeant exotisme et futurisme et ce qu'elle allait devenir, un produit aseptisé, ridiculement baroque, avec un personnage principal devenu super héros à la Captain Planet. Avec Etoile blanche, pas encore de dinosaures sortis de nulle part ni d'enjeux écolos ronflants, mais déjà plus de planète bleue, ni de Mi-nuee (la fiancée extraterrestre de Nao). Etoile blanche a pour originalité de se baser sur une double narration. Une partie du récit explique les aventures de Nao, Rabah, Carlo et Cybot, aux prises avec des pirates de l'espace. L'autre versant rapporte le sauvetage de Cybot, quelque temps plus tard, par deux enfants venus voler des pièces détachées chez un ferrailleur. Les deux récits s'emmêlent, et le grand ennemi reste à peu près le même. Le premier cycle d'Aquablue s'en prenait au néo-colonialisme, le second à l'obscurantisme religieux. D'un côté comme de l'autre, le mal opère à échelle interplanétaire et moyennant magouilles. Comme bien souvent avec la science-fiction, les parallèles avec la vie réelle et actuelle sont grands. A titre anecdotique, quand Carlo subit la sérénade commerciale d'un vendeur de vaisseau spatial, mais aussi à plus large échelle, quant on nous présente un monde en pleine récession, qui met hors service tous ses cyborgs, parce qu'un grand chef religieux les a déclaré blasphématoires. « Ces hideuses caricatures de l'homme, dotées de simulacres de conscience, ne sont que des contrefaçons blasphématoires de l'oeuvre divine ». On touche là à l'une des principales qualités d'Etoile blanche. En plus de faire quelques légers mais jolis parallèles aux thèmes intarissables qui bousculent toujours notre actualité, le diptyque est assez remarquablement écrit. Les grandes tirades didactiques du gourou Cantor sont assez amusantes à lire. Les dialogues, de manière générale, sont bien articulés et au niveau.

Retour vers la caricature

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Etoile blanche, deuxième acte
Le problème reste celui du fond. Les personnages, déjà caricaturaux à la base, s'écroulent sous le simplisme et la fadeur. Il y a d'un coté les gentils humanistes et de l'autre un horrible gourou qui a totale emprise sur le monde. A l'italien de service et au cyborg-comique, il faut rajouter un mécano au grand coeur, un ancien militaire d'élite et ses deux petits enfants génies de l'informatique. Le pire à voir, c'est le personnage de Nao. Lors du premier cycle, Nao était un très jeune adulte perturbé, extirpé à son innocence, torturé. Sous la plume de Tota, le jeune homme devient une espèce de géant aryen bodybuildé, inerte, plus fade et politiquement correct qu'un Tintin. Une certaine psychologie des personnages passe complètement à la trappe. On ne retrouve plus ce mélange entre exotisme héroïc fantasy et futurisme politique et technologique. Aquablue est maintenant plus à définir comme une comédie d'action se déroulant dans le futur. Le happy end comique, à la fin du septième tome, illustre bien cette tendance à la bouffonnade niaise et rabâchée. Le dessin de Tota achève quant à lui le lecteur des quatre premiers tomes. On s'était habitué à contempler un univers de caractère avec Vatine. On parcourant les albums de son successeur, on doit se contenter de traits froids et anguleux, qui enlèvent beaucoup d'expressivités et de nuances aux personnages.


Le diptyque de l'étoile blanche représente une transition, un passage de dégradation avant la chute complète. Aquablue se retrouve amputé de la moitié de son univers, la part restante subissant nettement les travers d'un scénario de plus en plus happé par l'entertainment et la surenchère.