7/10Apprenti, mémoire d'avant-guerre : La gloire de mon père

/ Critique - écrit par hiddenplace, le 05/04/2011
Notre verdict : 7/10 - La gloire de mon père (Fiche technique)

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Très bien documenté et empreint d’une patte nostalgique par la relation qui unit l’auteur et le sujet qu’il traite, Apprenti, Mémoire d’avant-guerre se lit davantage pour étoffer sa curiosité pour la période riche en événements politiques et sociaux que représente la France des années 30.

Apprenti, Mémoires d’avant-guerre est un récit qui prend rapidement la forme d’un hommage. Hommage à un homme, à un métier, à une époque charnière baignée d’émergences radieuses sur le plan social, à l’aube d’une guerre menaçante mais pas encore là : les années 30. Bruno Loth, après l’avoir longuement interrogé et avoir fouillé ses propres archives et des documents plus historiques, s’est attelé à retranscrire en images et en mots la jeunesse de son père, Jacques Loth. Les souvenirs teintés d’effluves nostalgiques d’un jeune homme timide mais résolu viennent donner un souffle de réalité à un ère oubliée et pourtant déterminante pour notre société actuelle.

Apprenti, mémoire d'avant-guerre : La gloire de mon père
DR.Le travail de Bruno Loth aime s’inspirer de mémoires intimes, comme c’est le cas dans sa première bande dessinée Ermo (2006) qui prend place également dans les années 30 mais dans l’ Espagne fasciste, et s’appuie sur l’histoire familiale de sa compagne. Apprenti, Mémoires d’avant-guerre, décrit, tel un journal par un récit à la première personne, les moments clés et les premiers pas du père de l’auteur dans un métier difficile : ouvrier dans un chantier naval à Bordeaux. Mais plus qu’un document didactique comme on en trouve parfois dans les ouvrages scolaires relatant cette période, on y retrouve les tranches de vie davantage universelles d’un adolescent projeté finalement très tôt dans la vie adulte. Ainsi se succèdent, mêlant étroitement l’intime et l’historique, les premières grandes décisions : quitter l’école pour choisir sa voie professionnelle, s’affirmer et prendre sa place alors que l’on est la « jeune recrue », les tensions dans un corps de métier où plusieurs catégories et couches sociales se côtoient au quotidien, les premiers émois amoureux, les engagements politiques. Ce regard subjectif offre une narration ourlée d’une tendresse évidente liée au lien qui unit l’auteur et son sujet d’inspiration, et au fil des anecdotes illustrant les aléas de ce milieu et le caractère hésitant mais attachant de Jacques, se profile un portrait teinté d’une admiration discrète et d’une recherche d’authenticité touchante. La narration, plutôt linéaire comme peut l’être le long fleuve tranquille d’une jeunesse parmi tant d’autres à cette époque, ne présente pas de réel point d’orgue mais plutôt un enchaînement d’anecdotes et de saynètes. Ce qui rapproche parfois l’album d’une sorte de documentaire, tout en restant toutefois personnel par son propos.

Apprenti, mémoire d'avant-guerre : La gloire de mon père
DR.
Le graphisme, classique et hésitant entre le trait spontané du croquis sur le vif et une imagerie documentée plus rigoureuse et réaliste, reste sage et axé sur la justesse et la lisibilité du récit. Pas de folie ni de fioriture, jusque dans la colorisation qui se révèle la plus sobre possible (avec une gamme chromatique proche du monochrome), valsant entre un camaïeu de bleu-gris et quelques touches de rouge vif pour marquer les moments intenses comme les revendications ou excitations des premières relations amoureuses.

Très bien documenté et empreint d’une patte nostalgique par la relation qui unit l’auteur et le sujet qu’il traite, Apprenti, Mémoire d’avant-guerre se lit davantage pour étoffer sa curiosité pour la période riche en événements politiques et sociaux que représente la France des années 30. Un parcours personnel et tendre qui illustre ce moment historique et qui, en somme, le désacralise et le rend plus accessible aux générations qui l’étudient à l'école quelques décennies plus tard. Le moyen également pour Bruno Loth, comme nous l’évoquions en introduction, de rendre hommage à une personnalité qu’il admire incontestablement, ou encore à son métier et aux diverses épreuves traversées pour devenir adulte, alors que les jeunesses actuelles sont généralement confrontées à d’autres expériences.