8.5/10Les amours écologiques du bolot occidental

/ Critique - écrit par riffhifi, le 22/11/2007
Notre verdict : 8.5/10 - Il ne faut pas croire l’histoire du bolot niaise (Fiche technique)

Le bolot n'est pas en voie de disparition, c'est son drame mais pas celui du lecteur... Un savoureux album de Claire Bretécher époque Cellulite.

Claire Bretécher, après Cellulite et en parallèle des débuts des Frustrés, accoucha d'un curieux personnage de bolot occidental en 1977. « Accoucha » est l'expression la plus appropriée à la lecture de cet album réédité aujourd'hui par Dargaud, où l'angoisse de la ponte prend le pas sur les préoccupations écologiques...

Ernest et Joë sont responsables d'une réserve pour animaux en voie d'extinction : diverses variétés de pélicans, d'autruches ou de gazelles y cohabitent dans l'opulence et sous les soins constants des maîtres des lieux. Le bolot occidental aimerait bien sa carte de membre, mais il a un problème : il n'est pas du tout en voie d'extinction. Il lui suffit de regarder sa femelle pour qu'elle ponde une centaine de chiots dans la minute qui suit... Néanmoins, il en faut plus pour décourager l'animal, qui use alternativement de sa force de persuasion et de capacité d'abstinence pour tenter de pénétrer dans la réserve.

Le goût de Bretécher en 1977 n'est pas au trait épuré des Frustrés ou d'Agrippine ; le style du Bolot s'apparente plus à celui de Cellulite : respectueux de la case, usant de phylactères carrés et agrémenté de couleurs pétantes. Les personnages ne baignent pas non plus dans le réalisme social caricaturé mais dans le cartoon fantaisiste : la femelle du bolot passe son temps à accoucher, son mari à essayer d'entrer dans la réserve, les deux hommes à le chasser. La répétition inlassable du schéma n'est pas sans rappeler les dessins animés de Tex Avery ou la série des Bip-Bip et le Coyote. Le tout est ici teinté d'humour pour adulte puisqu'évoquant avec dérision la pollution (« mercure dans les sardines, streptomycine dans les nouilles, cyclamates dans les yaourts »...), la politique (« François Mitterrand veut visiter la réserve ! ») et bien sûr la sexualité et l'accouchement (« Bon, moi je vais accoucher ce sera toujours ça de fait - c'est ça distrais-toi Guiguitte »).

Les amateurs des personnages de Brétécher seront aux anges avec la galerie d'animaux en voie de disparition, rivalisant de pruderie et de fayotise face au bolot rabelaisien et bon vivant qui ne parvient pas à arrêter de se reproduire. Comme toujours chez l'auteur, les expressions faciales sont basiquement au nombre de trois : placide, étonné, colérique. Dans les mains de Brétécher qui les alterne savamment, ces trois états se révèlent régulièrement hilarants.


Une œuvre à redécouvrir pour les amateurs de Claire Bretécher, spécialement pour les nostalgiques de Cellulite qui regrettent que la série n'ait pas duré plus longtemps...